La chronique littéraire des radios de l'Arc jurassien
Le mal du loup, c'est 4 nouvelles d'un écrivain japonais reconnu sur le tard. Quatre perles écrites entre 1929 et 1943.
Nakajima y raconte ce qu'il vit, en se forgeant un personnage qui lui ressemble, Sanzô, et en le faisant intervenir plusieurs fois au sein de son œuvre, comme un avatar. Un avatar qui est loin d'être silencieux. Il évoque avec force sa difficulté à appréhender le monde. Il est assailli par les questions métaphysiques qui le rendent solitaire.
Avec un parcours qui l'a mené du Japon en Chine en passant par les Archipel du Pacique Sud, Nakajima est une éponge qui absorbe toute la richesse culturelle à laquelle il est confronté, pour la relater dans ses écrits.
Dans «Atolls», la première nouvelle, Nakajima-Sanzô rencontre Mariang, une belle femme de l'Archipel des Palaos «Le teint vif comme d'habitude, brillant ou plutôt luisant d'un beau brun profond, de gros bras cuivrés qui saillaient des courtes manches comme pour terrasser les démons, et des jambes comme des colonnes, sous lesquelles les talons finement tournés des chaussures semblaient près de se rompre».
Le massacre des immigrés coréens après le tremblement de terre du Kantô en 1923 se retrouve dans «Paysage avec agent de police», où un policier coréen, un étudiant japonais et une prostituée coréenne nous immergent dans une existence dépourvue de sens. Une fois de plus, Nakajima se questionne sur la vie, comme un fil rouge qui traverse toute son œuvre. Que l'humanité soit vouée à l'extinction ou que la Terre se refroidisse lui paraissent supportable. Mais que tout disparaisse, le soleil et les planètes, que les astres noirs et froids continuent de tourner invisibles dans un espace ténébreux, cela lui est intolérable. Cette recherche du sens de la vie va le hanter jusque Sous les arbres pieuvres, dernier texte de l'auteur publié à titre posthume. Texte virulent où il s'affirme comme le prédécesseur de tout un courant de la littérature d'après-guerre.
Les nouvelles de Nakajima Atshushi sont complexes, belles et remplies d'éléments qui parfois nous échappent. Le recueil fait à peine 100 pages, un format qui se laisse apprivoiser, étudier, lire et relire. La traductrice donne quelques clés en fin de récit, en retraçant le parcours de l'auteur.
Le mal du loup envoûte et charme dès la première lecture grâce à une très belle plume, incroyablement contemporaine et poétique. Et maintenant, tout ce que je veux, c'est m'y plonger à nouveau. Obtenir quelques réponses de plus, décortiquer le texte, et me laisser submerger.