A ce jour mon roman préféré de Leo Perutz. Il traite de la disparition de deux régiments de troupes allemandes appartenant à l'armée napoléonienne, pendant la guerre d'Espagne. On y suit le parcours de 5 soudards comme il ne pouvait en exister qu'à cette époque, à la fois médiocres, violents mais aussi héroiques et braves quand il le faut. Il coexiste en eux à la fois une multitude de petits diables les poussant aux pires méfaits, et aux moments propices au courage. Mais ils vont se heurter à un vrai Diable, le fameux marquis de Bolibar, un gaillard noble comme en fait l'Espagne, d'une pieuseté qui en confine à la bigoterie, une fierté flamboyante, le marquis au visage terrible qui a juré de reprendre sa ville aux mains des "français". D'une tenacité telle que la mort ne peut l'arrêter, du ciel il transformera les soudards en marionettes pour accomplir sa volonté. Car c'est une farce, ou les pires des comportements humain: la jalousie et la peur, comme dans une machinerie bien huilée meneront les soldats à leur perte.
On le sait dès le départ, dans une ultime malédiction, le marquis les condamnera à mener la perte de leur régiments et le spectateur aura beau hurler dans sa tête que cela est impossible, le destin trouve toujours un moyen! Tout se goupille de manière remarquable.
Mais tout y est remarquable. Les 5 "français" ont tous une personnalité et leurs joutes verbales sont un régal à suivre, comme cette belle scène ou chacun à sa manière tente de conquérir la belle espagnole. Ca sent le feu, les coups de fusils, les combats aux sabres, on se surprend sur son fauteuil à vouloir se lever rejoindre son bataillon. J'aime beaucoup l'idée (bon c'est le juif errant et il a pompé) de cet officier que le malheur et la mort suivent partout ou il va, qui la cherche mais jamais ne la trouve et doit porter ce fardeau. Beau personnage qui a les scènes les plus bluffantes, les plus épiques, qui donnent envie de se passionner pour les gestes héroiques.
Et puis il faut avouer que c'est un régal de voir dépeint les troupes napoléoniennes, même sous les pires atours. Et puis ils sont attachants, ces soudards que leurs faiblesses rendent si humains.