Le monde selon Britt marie est un de ces petits opuscules qui vous tapent sur les nerfs les quelques premiers chapitres et vous ravissent par la suite.
Comment, en effet, le personnage de Britt Marie peut-il être aussi empoté, lunaire, maniaque, coincé et incapable d’avoir une communication simple, ouverte et respectueuse de tout un chacun ? Pourtant, c’est bien le respect de l’autre qui mène Britt-Marie, 63 ans, à la porte d’un pôle-emploi pour trouver un job. Rendez-vous compte, sa peur est de mourir seule, dans sa cuisine et de n’être découverte qu’une fois l’odeur de décomposition devenue insupportable pour le voisinage… Ce ne serait pas correct pour les voisins ! Alors, elle qui a passé toute sa vie au service d’un mari qui a décidé d’aller voir ailleurs, elle s’est dit qu’il lui fallait trouver du travail. En effet, quand on travaille, si on s’absente, ne vient pas au boulot, les autres, patron ou travailleurs s’inquiètent, téléphonent, prennent des nouvelles. Sans réponse, ils viennent au domicile, cherche à entrer, forcent la porte si nécessaire … le tout avant toute odeur pestilentielle ! Britt-Marie est pragmatique, maniaque, irritante mais elle a le sens des convenances, du propre sur elle et autour d’elle. D’ailleurs, elle passe ses journées, ses colères, ses frustrations, ses envies en faisant le ménage, les carreaux, l’entretien des jardinières de son balcon !
Le ton est donné ! Britt-Marie est bourrée de cicatrices imposées par la vie mais elle continue à vouloir donner à cette dernière un sens, ce qui très vite donne au lecteur l’envie de la suivre, de vivre ses combats, de tâcher de comprendre ses engagements et ceux des personnes qu’elle côtoie, souvent autant si pas plus déjantées qu’elle.
La voilà donc parachutée par le pôle-emploi à Borg, un village de nulle part, le long d’une route qui va d’un côté ou de l’autre mais où plus personne ne s’arrête. Britt-Marie va se reconstruire, se réveiller et faire revivre un village en acceptant, sans même s’en rendre compte, le rôle de coach de l’équipe de foot qui joue sans terrain, avec des buts en forme de canettes et un éclairage produit par les phares de deux voitures complaisantes. On n’est nulle part, dans ce trou perdu, mais avec Britt-Marie, on y est bien !
L’écriture de Fredrik Backman, au début, agace. Hachée, serrée, avec des phrases à peine balancées, elle semble répétitive et inapte à faire avancer le récit. Erreur ! L’écriture s’adapte parfaitement au caractère disloqué, fantasque de Britt-Marie et de son entourage. Elle en souligne les faiblesses tout en laissant deviner les promesses de tendresse, d’attention, de soucis de l’autre dont Britt-Marie va faire preuve tout au long de ce récit. On y rencontre la bêtise humaine, le fol espoir d’une jeunesse qui veut y croire, la sollicitude, parfois bien cachée, des gens d’un pays pour qui n’en est pas mais pourtant y prend sa place. Un roman de la vie, celle que d’aucuns déclarent ‘petite’ et qui pourtant est noble, belle et pleine de sens.
« Le monde selon Britt-Marie, un roman tendresse, sans mièvrerie !
Fredrik BACKMAN, une plume à suivre ! Merci à NetGalley et aux éditions Fayard pour cette découverte.