Soi-même est un sujet plus pertinent que l'art conceptuel

Le contrat passé entre l'écrivain et l'éditeur de cette collection est simple, spéculer jusqu'à plus soif sur ce qui nous est donné de contempler. Pourtant de cet arrangement, Leïla Slimani n'a presque rien à dire, une dizaine de pages de réflexion tout au plus. C'est bien la preuve de l'inanité des inepties conceptuelles qu'on lui propose de commenter. Cet art des riches qui croient exposer chez eux des œuvres alors qu'ils n'exposent que des billets de banque d'un marché fermé, Leïla Slimani en reste coite et c'est tant mieux.

Slimani a été, comme la plupart d'entre nous, accoutumée à l'art des pauvres, littérature, cinéma, bande dessinée, musique, jeux vidéo, tellement supérieur, simple et authentique. Les pauvres qui n'ont rien à gagner vont sincèrement à ce qui leur plaît contrairement aux riches qui placent leur argent dans des enrobements de subtilités analytiques.

Slimani dans Le parfum des fleurs la nuit préfère nous parler d'elle, du métier d'écrivain et des difficultés de fumer une cigarette dans un monde qui lui est devenu hostile, érigeant des barrières d'air pur contre leur consumation. De toutes les choses qui lui passent par la tête, seule au milieu de ce musée qui n'a, au vu de sa composition, aucun intérêt.

Ce qui frappe une fois de plus chez Slimani c'est sa délicatesse et sa justesse dans l'exposition de sa pensée, les révélations touchantes de tous les stigmates de l'écrivain véritable qui la transpercent et peut-être même l'accablent. La solitude est une chose merveilleuse que si elle est entrecoupée de rencontres, de chahuts réguliers. Pour s'en convaincre, demandez au Zarathoustra de Friedrich.

Pour conclure, encore un livre magnifique de Leïla Slimani qui me fait dire de plus en plus que si j'avais été une femme j'aurais pu être elle, en plus autochtone bien-sûr.

J'ai adoré ces pages cultivées et sensibles, droites et franches, d'une pudeur seulement formelle, toujours authentiques sur l'humain et dédiées aux âmes qui n'entrevoient la possibilité de la violence qu'après la destruction méthodique et organisée de leur tempérance.

Samuel d'Halescourt