Le Paysan parvenu
6.5
Le Paysan parvenu

livre de Marivaux (1734)

Jacob, le beau garçon aimable, le jeune paysan arrivé à Paris, illustre la noblesse d'âme telle qu’elle est dépeinte dans les romans sentimentaux, mais séduit les autres et fait preuve d’une capacité d’analyse sans égale à leur égard pour en tirer profit. Les femmes succombent malgré elles à son charme prétendument irrésistible. Jacob se perd et ne sait plus lui même s'il est amoureux, flatté par l'attention de ces dames, ou intéressé par les avantages qu'il peut en tirer; il est à l'affût de toutes les possibilités qui s'offrent à lui. En gros, Jacob est un zozo ambigu.


En dehors du champ de la fiction pure, il y a une hypothèse à faire : Jacob serait lui-même le symbole du roman. On pourrait dire que ce n’est pas Jacob qui est formé en raison d’une conception du roman en tant que genre, au contraire, c’est le roman qui viendrait s’incarner dans le personnage. La concurrence des registres est déjà une forme de totalité intéressante, le Paysan Parvenu réunissant 2 esthétiques inconciliables dans une sorte de prélude à l’alliance entre idéalisation et réalisme : la veine de l’idéalisation (romans de chevalerie, sentimentaux…) et la veine « réaliste » (picaresque, roman comique, tragique…). Au 18ème, siècle qui a vu naître le Paysan Parvenu, apparaît réellement le roman dans son sens moderne qui, en intériorisant l’idéalisme, permet de lier les deux veines. Ce roman prélude sûrement à cette alliance de l’idéalisation romanesque et du réalisme comique, ne serait-ce qu’en rassemblant dans la même oeuvre et en créant un déplacement de l’un à l’autre. On pourrait dire que le parcours de Jacob symbolise le roman réunissant les 2 esthétiques. Et de manière encore plus symbolique, on peut rappeler que le PP s’inscrit dans l’expression « le parvenu de la littérature » car, parallèlement, Jacob est en quête de respectabilité. La plasticité et la réussite sont articulés dans les 2 cas : comme Jacob, le roman se transforme, mais, comme le paysan devenu homme puissant, le roman ne doit ni abdiquer son intégration dans des conceptions morales majoritaires, ni rester le genre interdit aux jeunes filles, ni abandonner ce qui fait sa double spécificité fondamentale.

jerrej
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le 12 nov. 2015

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