Le Petit livre bleu par belzaran
« Le Petit Livre Bleu » est un essai qui a fait fortement parlé de lui à sa sortie. Cette « analyse critique et politique de la société des Schtroumpfs » décrit ainsi la société créée par Peyo comme « totalitaire et empreinte de stalinisme et de nazisme ». Très vite, la confusion est faite : l'auteur parle-t-il des Schtroumpfs ou de leur créateur ? « Le Petit Livre Bleu » a tout de l'essai qui sera très critiqué même sans être lu...
Antoine Buéno, auteur de l'essai, est parfaitement conscient que son analyse va faire scandale et passe son temps à répéter qu'il ne met jamais en cause Peyo, réputé apolitique, mais le monde qu'il a créé. Il le dit dans l'avant-propos et la conclusion. C'est même répété en quatrième de couverture dans la biographie de l'auteur : « Antoine Buéno aime les Schtroumpfs ».
« Le Petit Livre Bleu » est avant tout un exercice de style cherchant à repérer des idéologies ayant existé (ou existant encore) dans un monde qui n'existe pas. En effet, nombre d'incohérences sont d'ailleurs relevées par l'auteur (les Schtroumpfs sont toujours 100 bien qu'il y ait de nouvelles arrivées mais jamais de départs ou de morts). Il est à noter que cet exercice se limite d'ailleurs aux albums cartonnés, le dessin-animé, les revues ou le nouveau film 3D ayant passé quelque peu à la moulinette l'univers de Peyo.
L'analyse politique consiste donc à observer le monde des Schtroumpfs et d'en déduire une forme d'idéologie. Si certains points sont assez factuels (pas de propriété privée, repas communs en réfectoire...), d'autres sont purement graphiques (le Grand Schtroumpf ressemblerait à Staline et le Schtroumpf à lunettes à Trotsky, Gargamel serait une caricature de juif...). Si ces arguments sont beaucoup moins pesants, ils participent à un ensemble d'éléments qui, mis bout à bout, déroutent ou interrogent. Il faut quand même noter, sans polémiquer, qu'Antoine Buéno présente d'abord la société des Schtroumpfs comme une utopie, puis comme un système totalitaire « abouti », avec un chef omniscient, le Grand Schtroumpf.
Le tout est plein de citations des albums cartonnés, même si certains semblent faire référence. D'autres ouvrages servent d'appui (« Le meilleur des mondes » d'Huxley, « 1984 » d'Orwell...), apportant des parallèles intéressants et nécessaires.
En préambule, une analyse biologique des Schtroumpfs est également faite. On n'en parle peu mais elle est passionnante. Y est révélé leur caractère présumé asexué notamment ou le pourquoi de leur couleur. Avant tout cela montre combien le monde des Schtroumpfs a été créé « comme il vient » par Peyo, sans se soucier réellement d'une quelconque cohérence.
Finalement, contrairement à ce que j'ai pu lire à droite et à gauche, je n'ai pas du tout été gêné par l'analyse faite par Antoine Buéno. Certes, on peut ne pas être d'accord, mais force est de constater que le tout est documenté et s'appuie sur des faits. Le tout se révèle très instructif. Cependant, une relecture des albums fondateurs des Schtroumpfs paraît nécessaire en préambule (ou à la limite, juste après !). En effet, aucune image ne vient appuyer le propos de l'auteur (et on comprend bien pourquoi il n'a pas pu le faire...). Le texte se révèle finalement assez court, allant vraiment à l'essentiel. J'aurais préféré un peu plus de matière, notamment sur la description des systèmes politiques mis en jeu, mais c'est sans doute une volonté de Buéno de vulgariser et de rendre accessible cette analyse. Je ne peux m'empêcher de signaler le prix de l'ouvrage (13€) qui me paraît excessif. Surtout que si l'essai est intéressant, la pertinence d'une relecture me paraît beaucoup moins évidente... Quoiqu'il en soit, mieux vaut le lire avant de le critiquer...
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