C'est Frédéric Montelfetro duc d'Urbin. Pour ce qui est de l'édition c'est un folio classique, les notes sont suffisantes pour éclaircir le récit sans être lourdes. On les trouves en fin de page rangées par parties mais numérotées au cours du texte ce qui évite de se perdre. Rien de bien surprenant ce sont toujours des éditions de qualité ces folio classiques.
La préface de Paul Veyne m'a semblé cependant un peu facile. L'historien soutient que le Prince de Machiavel est un essai à prendre dans un contexte historique et politique voire même local de cette Italie morcelée et en guerre du dernier siècle du moyen-âge. C'est sans aucun doute la première application de ce livre et Machiavel ne cache pas ses espoirs de voir un homme de grande virtù s'inspirer de ses écrits pour au moins dans un premier temps éloigner l'Italie des prétentions étrangères et peut-être même l'unifier par la suite. Si Machiavel ne formule pas clairement cette espérance dans ses écrits il ne cache pas son intérêt pour les pays unis comme la France et l'Espagne. Il prend d'ailleurs allégrement comme exemple ces pays étrangers mais compte également sur ses nombreuses connaissances sur l'histoire antique et y puise abondamment pour confirmer ses thèses. Machiavel estime en réalité que l'histoire est en partie soumise par la nature des hommes qui donne forcément une certaine intemporalité des comportements humains, plèbe, nobles et princes. Attention, il ne nie pas le contexte historique, politique et local ! C'est même son sujet d'étude puisque qu'il prétend enseigner comment le changer, le rendre plus favorable. Il me semble donc assez sensé de voir de temps en temps des parallèles avec la politique et la géopolitique actuelle. Pour finir sur ce point je voudrais rappeler le succès de ce bouquin dans le monde contemporain, même Tupac l'a lu donc il serait étonnant que peu de politiciens ne l'aient lu ni ne s'en inspirent un peu dans leur course au pouvoir. Je pense que Paul Veyne est en vrai désaccord philosophique avec Machiavel d'où sa préface qui se transforme un peu en critique amère et réductrice du Prince... Elle présente cependant assez correctement Machiavel et son œuvre, peut-être suis-je un peu trop habitué aux éloges des auteurs en préface.
Le texte est bien écrit et traduit, les conjonctions et adverbes en latin sont gardés tels quels (c'était la mode à cette époque là) ce qui ajoute non solum du charme au récit sed etiam de l'authenticité. Pour ce qui est du contenu Machiavel donne des conseils pratiques pour qu'un dirigeant se maintienne au pouvoir. Il donne des démarches à prendre selon le contexte qu'il sépare souvent en situations. Par exemple les conseils diffèrent selon le contexte de prise de pouvoir du prince, héréditaire, usurpateur, conquérant. Tous les aspects du pouvoir sont abordés, la politique, la guerre, la diplomatie, la justice et même la sécurité publique sont pris en compte. Le duc d'Urbin en première de couverture tend à se rapprocher par ses actions du modèle de Machiavel mais ce dernier prend les exemples de virtù dans toute l'histoire qu'il connait. Les Commentaires sur la Première Décade ainsi que l'Art de la Guerre sont très intéressants également et complètent l’œuvre. Enfin les lettres en fin de livre nous renseignent autant sur la vie privée de Machiavel que ses opinions sur la politique de son temps, un contenu à valeur plus biographique mais pas moins intéressant.
Pour finir je conseille vivement ce livre à tous, il n'apporte pas seulement des connaissances historiques et politiques mais me semble avoir aussi une portée sociologique et philosophique non dédaignable. Beaucoup de personnes comparent notre monde actuel à la fiction 1984 mais il me semble qu'on peut faire bien plus de parallèles avec le Prince, après tout la scène politique française n'est elle pas une arène où des princes cherchent à s'emparer du pouvoir et le garder en contentant la plèbe ?