Comme dans Le grand monde, on retrouve le style truculent de Pierre Lemaitre, jamais cynique mais plein de malice dans l'écriture de ses personnages, avec une capacité à enchevêtrer leurs histoires entre eux et dans le monde dans lequel ils évoluent.
La fresque commencée dans le premier tome continue de s'étendre, en focalisant son action principalement à Paris et dans le village de Chevrigny. Alors certes on voyage moins, et les péripéties se font plus rares ,mais le tableau d'après guerre s'affine. on met le doigt sur les faits sociaux propres à cette époque, entre les restes du vichysme et de sa police anti abortive, les transformations du paysage, le développement de la société de consommation, avec ses gagnants et ses perdants.
Le panel des personnages est large, entre ce fonctionnaire de l'électricité, ces habitants d'un village condamné, les membres de la famille Pelletier ou encore le milieu de la boxe amateur de Beyrouth. Et dans la trentaine de personnages que l'on suit au fil des pages, pas un n'est caricatural, pas un n'est inutile ou purement esthétique, tous ont quelque chose à nous dire.
Et comme toujours avec Lemaitre, le travail de documentation est poussé, point d'anachronisme et l'art de conter la petite histoire, celle des faits divers de l'époque, pour mieux illustrer la société.
Les personnages sont drôles, attachants, jamais jugés même pour les plus vils, juste présentés par un narrateur au dessus de la mêlée, contextualisant sans jamais justifier. Mention spéciale pour Petit Louis, Palmari et Geneviève.
Et si après la trilogie Au revoir là haut, les couleurs de l'incendie, miroir de nos peines, le rêve de Pierre Lemaitre n'était-il pas de nous créer Les Rougon Maquart du 20 ème siècle?