J'ai longtemps repoussé la critique de ce livre - exercice que je m'impose pour appréhender d'une autre façon chacune de mes lectures - parce que j'ai senti dès le début à quel point, au fond, elle serait inutile (plus que d'habitude, j'entends).
Petit livre qui parle des beautés à sacrifier. Du corps à bâtir sur le modèle de perfection antique afin de s'offrir une mort tragique. D'un refus de jeunesse de participer à la guerre, occasion manquée d'avoir pu s'offrir une mort éblouissante. Du dégoût de sa propre faiblesse, de celui capable d'apporter l'obsession de la virilité, une vision claire et honorable de la vie. De l'union du verbe et du corps, de toutes les oppositions de l'existence. Une beauté sèche hante ces pages. La sensualité troublante d'un Saint percé de flèches qui agonise le regard perdu dans l'extase.
Mais le morbide se reflète sans cesse dans ce ruisseau de mots. Si Mishima envie le regard du samurai, tout entier fixé sur la mort, il oublie que c'est pour servir un autre que soi-même. Cette extinction égoiste, mise en scène censée apporter du sens à une vie déçue, n'en est qu'un pâle reflet qui me désespère et m'effraie, au fond. L'esprit est confus. Mishima fait un pas dans une direction, trois en sens opposé et puis revient vers son but premier. Pourtant, cette confusion contient suffisamment de lucidité pour avoir valeur de témoignage - universel, cette fois. Au lecteur de grappiller ce qu'il peut afin de le faire sien. Même si Mishima vous dirait surement de vous bouger le cul et de sortir courir et de soulever de la fonte pour comprendre vraiment ce que les mots ne font qu'esquisser...