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C'est aussi déplorable qu'inévitable, ce petit livre sur un sujet passionnant à la cause duquel j'étais acquis avant même lecture présente les habituels défauts de ce genre de littérature, défauts qui m'insupportent au plus haut point.

On y trouve des accumulations de données statistiques qui créent chez le lecteur un doux ennui, et soulèvent paradoxalement une certaine incrédulité finale quant au résultat. Voilà qui ressemble de près au sentiment que doit éprouver l'inspecteur, une fois sur le lieu du meurtre, lorsqu'il trouve une photo signée de l'assassin accrochée au mur avec un grand couteau ensanglanté – l'arme du crime – sur lequel ses empreintes sont presque visibles à l’œil nu : on n'a franchement plus trop envie d'y croire.
C'est l'un des problèmes de cette littérature : trop emportée par ses convictions, légitimes ou non, elle oublie de mesurer la quantité des différents éléments construisant son discours, et le raisonnement général (ici toutefois structuré honnêtement) pâti de ce manque de linéarité dans la réflexion, dû à l'étalage de chiffres et de noms.

Mais le plus ennuyeux dans cette affaire, ce qui fait qu'on ressort de cette lecture déçu et lassé, c'est l'approche de la question elle-même. Le fait est qu'en convoquant encore et toujours les mêmes champs disciplinaires dans ce type d'étude, on ne peut espérer éveiller l'intérêt du lecteur.
Alors certes, nous apprenons qu'en achetant un portable, nous participons au conflit en République Démocratique du Congo, à l'extermination des gorilles, à la pollution des rivières. Qu'en utilisant un portable, nous grillons tranquillement notre cerveau. Qu'en portant un de ces appareils, nous réduisons notre liberté et permettons une surveillance dont nous ignorons l'ampleur.
Mais sérieusement, qui ne le sait pas ? Est-il réellement nécessaire d'étaler des chiffres pour prouver ce qui apparaît à toute personne sensée comme un lieu commun ? En sachant en plus que 99% des lecteurs d'un ouvrage sur ce genre de sujet sont des personnes conquises d'avance. Il faut se poser la question de la pertinence de ces procédés, de leur utilité.
Non, ce que j'attendais (tous les espoirs sont permis), c'est un soupçon d'originalité dans l'approche, sans parler de la méthode. Le résultat, c'est une réflexion finalement très superficielle, je crois que « petite » est le terme exact. Il faut viser plus haut, plus loin, plus grand : pourquoi se cantonner à des perspectives socio-politico-environnementales classiques à en mourir ? Pourquoi ne pas avoir envisagé une approche plus philo-anthropologique ? Allons-y carrément, une étude phylogénétique du portable. Comment se place-t-il dans l'évolution de l'homme ? En quoi est-il un nouveau moteur d'une aliénation biologico-technique de l'homme qui elle n'a rien de nouveau, mais constitue la droite lignée d'un mouvement séculaire autrement plus inquiétant, sa dépendance croissante à la technique industrielle puis virtuelle ? Et la psychologie dans tout ça ? La question eût été passionnante envisagée sous l'angle des rapports du portable au développement du Moi et de ses rapports à l'autre dans le XXIe siècle. Le portable comme instrument de psychose.
Autant de problématiques passionnantes, un rien plus originales, qui auraient finalement bien mieux servi le propos (le portable, c'est mal), que ce livre ne traite pas au profit de redondances sur des questions ressassées depuis presque aussi longtemps que l'invention de l'objet en question. Des questions intéressantes sur le portable et sa nocivité, il y en a à la pelle. Mais pas dans ce livre.

Je suis conscient de m'être certainement trompé de lieu pour ce que je cherche, mais ça n'empêche pas que je m'élèverai toujours contre ces perspectives misérabilistes de peu de portée et qui n'éveillent chez moi que du mépris pour un propos avec lequel je sonne à la quinte juste. C'est triste.
Adobtard
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le 11 janv. 2014

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