Pas très convaincante, cette première enquête du mandarin Tân. Elle démarre pourtant sur les chapeaux de roue, dans l’ambiance d'une mystérieuse et effrayante scène nocturne qui prend des airs de surnaturel... et qui passe aussitôt aux oubliettes. Donc, après avoir accroché leur lecteur sur une note inhabituelle, les sœurs Tran-Nhut le font basculer dans un roman policier tout ce qu'il y a de plus conventionnel.
Je n'ai pas de récriminations particulières contre le déroulement de l'enquête, même si, régulièrement, il m'a semblé que les personnages agissaient au hasard, sans schéma directeur, et que leurs avancées relevaient donc de la chance plutôt que d'un travail méthodique. Il n’en reste pas moins qu'on a envie de connaître le nœud de l'histoire : que se trame-t-il autour du fameux temple de la Grue écarlate et pourquoi des enfants difformes, qui y ont été recueillis, sont-il assassinés ? Je crois que j'ai relevé là la principale qualité de ce roman.
Malgré ça, on trouve ici un gros défaut plutôt rare dans les romans policiers historiques : ni la ville où évolue le mandarin Tân, ni même la province qu'il administre n'ont un jour existé. Dès lors, difficile de faire revivre les jours passés de l'empire vietnamien. On n'y retrouve qu'avec peine une saveur, une atmosphère que, personnellement, je viens chercher lorsque je lis ce genre d'ouvrage. Les perpétuelles références à des dictons français revus à la sauce vietnamienne du XVIIème siècle n'aident pas non plus, et j'avoue que le ton humoristique du roman, que j'ai trouvé un peu lourd, m'a difficilement arraché un sourire. J'étais d'ailleurs gênée par le manque de clarté du projet des sœurs Tran-Nhut : qu'est-ce qui relève ici de l’Histoire, qu’est-ce qui relève de la pure invention (même si certaines situations et certains noms ne peuvent prêter à confusion et sortent évidemment tout droit de imagination des auteures) ? Il m'a parfois été difficile de démêler l'un de l'autre, alors qu’habituellement, les romans policiers historiques sont plutôt clairs et honnêtes de ce point de vue.
J'ajouterai que les personnages principaux en présence m'ont paru d'une largeur d'esprit proprement stupéfiante, pour ne pas dire anachronique, ce qui m'a laissée quelque peu dubitative. La façon dont la justice est rendue est particulièrement clémente et, surtout, très en rapport avec les idées du monde occidentale des XXème et XXIème siècles (je précise que les auteures ne sont pas du tout historiennes et que, si elles sont nées au Vietnam, elle n'y ont que très peu vécu ). Certes, il n'est pas rare de voir un auteur de roman policier historique travailler son ou ses personnages de façon à le(s) rendre compatible(s) avec les valeurs du monde contemporain, ça relève de la convention de ce genre littéraire. Tout de même, je trouve que c'est un chouïa exagéré dans notre cas... Toujours est-il que la conjonction de tous ces éléments ne m'a pas donné envie de lire la suite des enquêtes du mandarin Tân.