Il est évident que le film ne peut pas s’attarder tel qu’un livre de 517 pages le ferait. J’ai trouvé que le roman était plus complet comme d’habitude finalement et c’est assez logique d’ailleurs. La lecture m’a permis également de poser un éclairage différent sur le film. L’auteure a eu l’ingénieuse idée en effet de laisser la parole à la fois à Claire et à Henry comme une sorte de journal intime. On y voit leurs doutes, leurs blessures, leurs joies comme leurs faiblesses sans retenue ou presque là où le film se contenait d’un regard ou d’un geste.
Cependant, cette avalanche de mots de pensée trouve aussi ses limites au bout de 400 pages. Pas tant que cela ne soit inintéressant mais parfois répétitif. Mais ce qui m’a le plus dérangé finalement sur le long terme c’est le fait que Henry et Claire voient tout ce qui les entoure à travers les yeux d’artiste. Le moindre objet vu est quelque chose de puissant, décrit comme tel. Quoi de plus normal en même temps puisque l’auteure est peintre et a enseigné les arts.
Ce n’est pas que ça ne m’atteint pas cette capacité à voir le beau dans tout mais cela a tendance à surcharger le récit parfois à tord parfois à bon escient. Je crois que les passages qui m’ont le plus plu sont ceux dans le pré. La romancière décrit le paysage, les personnages comme un tableau vivant. Un tableau qui marque une naissance, une rencontre. Celle de Claire et de Henry.
Mais, dans cette beauté il y a de la gravité . Celle de la nature humaine et de la vie tout simplement. On y voit bien plus les sacrifices de Claire, sa souffrance: d’adolescence puis de femme. Une femme qui a attendue toute sa vie l’homme qu’elle aime. Elle qui avait tant recherché l’amour de l’autre, sa sécurité qu’elle peinait à trouver au sein de sa propre famille. Famille totalement occultée dans le film dois-je préciser. Et pourtant, cette partie du roman a une grande importance car il a forgé, conditionné le futur de Claire.
Il en va de même pour Henry et son père même si ce dernier est présent dans le film. Mme Kim n’y est pas elle et pourtant, elle est une mère de substitution pour le jeune homme. Par ailleurs, le travail d’Henry occupe aussi une place importante dans le récit; ses collègues également. Ce qui d’une certaine façon montre toute la difficulté de sa mission et son désir d’être quelqu’un comme les autres. Il est sans cesse tiraillé ou plutôt contrait de par ses capacités à être malgré tout quelqu’un de différent. Quelqu’un qui l’éloigne sans cesse de Claire, qui la blesse involontairement.
Ici, Henry m’a paru aussi pas mal injuste envers Claire presque exigeant dans sa volonté à vouloir que cette dernière reste vierge jusqu’à ce qu’ils se rencontrent au moment voulu. Tandis que lui dans un monde parallèle s’amusait quitte à briser le cœur d’Ingrid. Volontairement ou/et non, il a hanté la vie de Claire lui laissant finalement peu d’alternatives à part celui de l’aimer lui plus qu’un autre. Ceci dit, mon propos est à nuancer car à un moment donné, Claire fait bien un choix celui de choisir Henry malgré tout ce qu’elle savait ou plutôt à cause de ce qu’elle savait justement. Mais, il n’empêche que quelque part Henry est un vrai macho; et véritable tête à claque surtout la version jeune.
Néanmoins, je l’ai trouvé moins dur avec Alba et la version de lui enfant. Peut-être aussi parce qu’il est arrivé à un âge où il a acquéri un certaine sagesse et expérience. Il se sent aussi investi d’une mission celle de préparer au mieux ses deux protégés à ce qui les attend. Étant lui même passé par là, il a peur pour eux. Peur de ce qui pourrait arriver comme de ce qui ne pourrait pas arriver.
Le temps n’est rien est une histoire complexe qui mêle amour, drame et fantastique d’un même concert. La question du voyage dans le temps reste pour moi une énigme malgré les explications d’Henry et du médecin. A certains moments aussi, j’étais perdue ne sachant plus où on en était et quel Henry parlait. Ce dernier dit à un moment que futur, passé et présent se confondent et se déroulent en même temps. Et ce, avec à chaque fois une version d’Henry différente. Chaque Henry peut aller à la rencontre de l’autre époque en sachant parfois ce qui se sera et sans pour autant pouvoir changer quoique ce soit. Terrifiant non?