Le vagabond

Résumé : - «Bâtard, fils de pute.» On insulte ainsi l'enfant né en Indochine.Père, tirailleur algérien.Mère, brodeuse à Saigon.Il a vingt ans lorsqu'il arrive - après quelles pérégrinations ? - sur les Hauts plateaux algériens. Il cherche son père, il erre à travers la steppe et la ville. Nouvelle inéditeExtrait du livre :Ils sont de ce vaste pays rude où poussent encore les blés, le pain de chaque jour ils le gagnent. La terre ils ne la quitteront pas. Pour quoi faire, aller loin pour quoi, sinon le pèlerinage ? Mais l'argent manque. Aller au-delà des mers ? Ils n'iront pas. La mer si elle existe Les contes de l'enfance et les colporteurs ont raconté l'infini marin après l'horizon, plus infini que les plateaux et plus mouvant, dangereux aussi. La terre à leurs pieds ne trahit pas, pauvre mais fidèle, eux qui la connaissent le savent. Ils l'aiment.Ce soir-là, on n'attendait personne. Ni fils prodigue ni fille partie, revenue, repartie, disant toujours qu'elle ne les quitterait pas et le jour suivant elle n'était plus là. Ils n'avaient que faire des promesses.Pourquoi les filles et les fils, des étrangers désormais, pensaient qu'ils avaient à pro­mettre ? Ils ne demandaient rien, sinon la miséricorde de Dieu pour leurs derniers jours et le Jour dernier, ils ne le disaient pas, ils n'avaient pas besoin de le dire, de l'un à l'autre le même voeu dans le secret et le silence. Ceux qui partaient vers des pays dont ils ne voulaient rien savoir parce qu'ils en savaient trop, disaient-ils entre eux, ceux-là parlaient beaucoup. Ils les écoutaient, ils ont toujours eu la patience, ils les écoutaient, mais qu'avaient-ils à leur dire d'autre que ces plateaux qu'ils avaient fuis, qu'ils continuaient à fuir, génération après génération ? Des déserteurs, voilà ce qu'ils pensent. Leurs propres fils, des déserteurs. La langue ne dit rien, elle n'a rien ?