Monsieur Perrichon, commerçant devenu rentier, emmène sa femme et sa fille Henriette en vacances dans les Alpes. Amand Desroches et Daniel Savary les suivent dans leur périple, ayant chacun pour objectif d'obtenir la main d'Henriette. S'ensuivra un accident dont Perrichon sera sauvé par Armand ; en conséquence de quoi il lui en voudra terriblement de lui avoir sauvé la vie. Tandis que Daniel, retenant la leçon, fera semblant d'être lui-même victime d'un accident et sauvé par Perrichon, qui lui vouera une amitié sans faille : c'est que ce beau geste lui permet d'aborder des airs de héros, ce qu'il apprécie particulièrement. En sus, Perrichon trouvera moyen d'insulter, via le livre d'or de l'hôtel, un commandant qui viendra lui réclamer justice à Paris, une fois les vacances terminées, sous la forme d'un duel. Chacun, autour de Perrichon (et Perrichon le premier), se livre alors à des petites manigances pour éviter le duel qu'il est certain de perdre. Or Armand, trouvant moyen d'annuler officiellement le duel, va s'attirer encore davantage les foudres de Perrichon, qui souhaitait éluder ceci en toute discrétion et ne pas passer pour un lâche. Pendant ce temps, Daniel s'est montré une fois encore plus rusé que son comparse et se trouve sur le point d'obtenir la main d'Henriette (alors qu'elle préfère Armand). Sauf que Perrichon n'est pas toujours aussi bête qu'il en a l'air...
La pièce est bien construite, elle monte petit à petit en puissance, l'argument est simple, et la caricature de Perrichon fonctionne bien. Labiche et Martin se concentrent essentiellement sur le caractère de Perrichon, sur son ingratitude envers Armand qui ne cesse de s'étoffer. Il ne cesse de s'inventer tous les prétextes possibles pour s'assurer qu'Armand cherche à le diminuer et à faire le malin en lui rappelant qu'il lui a sauvé la vie, ses récriminations se révélant un leitmotiv comique qui marche. C'est la vanité de Perrichon qui est en cause, car, moins il supporte qu'on lui rappelle les services d'Armand, plus il est heureux que Daniel se comporte comme son obligé à vie : ce leitmotiv-là, symétrique au premier, fonctionne peut-être moins bien.
On ne peut véritablement ici véritablement parler de critique sociale ; certes, Perrichon est un bourgeois, certes, il affiche fièrement ses fautes d'orthographe sur le livre d'or de l'hôtel, certes, il se prend très au sérieux depuis qu'il est rentier, mais enfin, la vanité et la sottise ne sont pas le lot des rentiers seuls : on est davantage dans la comédie de caractères. Encore que ce soit le caractère de Perrichon qui domine indubitablement la pièce, les autres personnages faisant plutôt pâle figure. Le voyage de Monsieur Perrichon s'avère donc une comédie qui fait sourire, mais qui manque de fantaisie et un peu de rythme, malgré une fin bien trouvée et bien amenée. Une comédie qui est donc un des classiques de Labiche, mais sans doute pas la plus drôle, ni la plus incisive.