Le sujet central du livre tient dans la définition que chacun se fait d'un être humain, des qualités qui lui sont propres, et l'androïde va servir de point de comparaison. L'androïde dans le livre est décrit physiquement comme composé de tissus sensibles, de cellules en activité et d'un centre nerveux actif (comme un être humain) à la différence - puisque tout est artificiel - qu'il est plus fort, plus intelligent (même si la notion n'est pas définie dans le livre), plus mortel (la reproduction des cellules ne fonctionne pas correctement et la durée de vie d'un androïde est limitée à 4 ans) et qu'il peut être doué de facultés qui demanderaient des années de pratique chez l'Homme (chanter dans des opéras). Mentalement, il possède des souvenirs (implantés par l'Homme), des envies profondes (s'absoudre de l'esclavage humain) et des envies soudaines (sexuelles au moment où Rick joue avec Rachel, d'expériences nouvelles avec l'araignée, caprices avec le dernier souhait de la condamnée sous la forme d'un livre d'art).


Tout d'abord, l'absence de définition de l'intelligence dans le livre pose problème. Qu'entend-t-on par intelligence ? La capacité à mobiliser des connaissances pour répondre à une problématique ? La possibilité de problématiser ? La faculté d'un être ou d'une espèce à s'adapter à son environnement ? Ou le simple fait de pouvoir calculer et apporter une réponse à une question donnée ? J'ai retrouvé dans le livre les deux dernières définitions et plus spécifiquement la dernière. L'adaptation à l'environnement se retrouve dans leur émancipation, leur appropriation de nos institutions (médias) et de nos infrastructures administratives (commissariat). Seulement ils utilisent ces nouvelles possibilités de façon dégradée et cela pose la question de l'apprentissage d'un androïde à un autre. L'un des conclusions de livre est d'ailleurs que ces adaptions et leurs utilisations (, arrestation d'un Blade Runner et volonté de transformer sa vision de la vie) n'ont aucun impact car ils sont incapables de comprendre comment un homme fonctionne.
Dans le cas de la remise en question de l'image d'un Dieu, les androïdes n'ont pas compris que nos croyances ne sont pas ancrées sur des faits, elles se rattachent - cela n'est que mon point de vue - à une morale qui nous guide dans nos actions, à un esprit de communauté qui nous apporte une écoute tolérante, à une finalité qui nous permet l'acceptation d'un état de fait (la mort, l'éternel-recommencement). Mais ce raisonnement est-il pour autant propre à celui d'une machine ? Il lfut le mien pendant toute mon enfance avant de changer de point de vue.
Leur capacité de calcul et de réponses se retrouvent dans leurs discussions (aucune latence), leur analyse (réponses parfaitement en lien avec les questions, identification d'un débile, création du doute), mais encore une fois cela ne leur sert à rien. Ils se font toujours identifiés par le test créé à cet effet et ils sont incapable de gagner à 6 contre 1. On dirait presque qu'ils cherchent à mourir (le commissaire qui se sait foutu attend d'être en infériorité numérique avant d'attaquer). J'aurais même tendance à dire que les menaces vont décroissantes. Mais là encore, est-ce vraiment inhumain d'abandonner petit à petit quand on perd ses amis et qu'on se retrouve de plus en plus isolé ?


Les androïdes possèderaient des souvenirs mais à aucun moment ils n'en parlent. Est-ce parce qu'ils s'en sont émancipés, voulant créés leurs propres souvenirs, ou parce que les souvenirs implantés le sont sans sentiments accrochés, donc sans attachement et sans fondement, là où chez les humains une même image suivra tout un processus unique donnant autant de souvenirs différents qu'il y a de personnes ?
Je n'ai trouvé qu'une preuve de ces souvenirs, c'est dans la situation mari et femme d'un couple d'androïdes. On pourrait penser qu'ils sont mariés parce qu'ils avaient toujours crû l'être. A aucun moment, une allusion à un rapprochement post-fuite n'est abordé. Pour autant, est-ce forcément un trait non humain ? Tous les couples sont-ils ensemble parce qu'ils s'aiment, ou parce qu'après un certain laps de temps il devient impossible d'imaginer une autre situation même dans la détresse ?
La création de souvenirs se retrouve aussi dans le livre, avec la réalisation d'expériences, notamment dans le cas de l'araignée. Ce point du livre est perçu par le spécial comme un manque flagrant d'empathie des androïdes vis-à-vis des êtres vivants (incapacité de imaginer la douleur qu'ils infligent) mais cela ne constitue en rien pour moi une différence fondamentale entre eux et nous. Les enfants font souffrir les animaux et il leur faut du temps pour comprendre qu'ils infligent une douleur. Les adultes sont capables de pires cruautés envers les humains (esclavagisme, Shoah), envers les animaux (destruction d'écosystèmes). A cet égard, je trouve le livre simpliste et trop bienveillant à l'égard de l'Homme, notre Histoire est jonché d'horreurs, et le contexte d'un homme marié qui veut un animal n'est pas représentatif de l'ensemble des considérations humaines (surtout lorsque l'histoire se passe dans un passé post-apocalyptique).
Un passé formé d'horreur peut entrainer les pires horreurs (exemple avec l'exécution prochaine d'une femme aux USA pour le meurtre d'une femme enceinte pour récupérer son fœtus), et on ne sait rien du passé des androïdes arrivés sur Terre. Il est laissé entendre que des mauvais traitements leur sont infligés alors qu'ils sont pourtant interdits (et il est bien connu que les gens respectent les lois sans structure qui l'impose). On peut alors supposer que les meurtres faits sur Mars sont des actes de vengeances (un humain qui coucherait avec la femme d'un androïde, ou du moins qui la verrait comme telle) et leur arrivée sur Terre un appel au secours pour faire comprendre aux humains que les différences entre eux et nous sont faibles, et qu'ils mériteraient d'être écoutés. On peut d'ailleurs observer qu'une fois arrivé, ils n'ont aucune envie de continuer à tuer (ils pourraient vouloir se venger de la fondation) mais plutôt de faire évoluer les mentalités.


J'ai été très déçu de la fin du livre, où Rick se persuade qu'il doit faire le mal pour pérenniser le bien parmi les humains. Comme s'il existait une morale unique, avec un Bien (sauver les humains qui fabriquent des machines qui leur ressemblent presque en tout point à la différence qu'il est possible de les faire souffrir même quand les dits machines refusent) et un Mal (Tuer ... Mais s'ils est persuadé de faire le Mal, c'est donc qu'il considère les androïdes comment humain ?)

nwcoco
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le 23 janv. 2021

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