Le récit très précis du séjour parisien des Fab Four

Cet ouvrage a été écrit par Eric Krasker, historien et spécialiste des Beatles et il s’attelle à une tâche jusqu’ici jamais remplie (surprenant) : nous raconter de façon très pointue le séjour des Beatles à Paris lors de leur passage de 3 semaines à l’Olympia, du 16 janvier au 4 février 64, sur scène et hors de scène (les coulisses parfois agitées de l’Olympia, le quotidien à l’hôtel Georges V, les restaurants, les quelques sorties et séances photos qu’ils ont pu faire…). John Lennon en débarquant à l’aéroport, comme ses 3 potes d’ailleurs, a une obsession : rencontrer Brigitte Bardot, incarnation pour eux de l’idéal féminin français. La France a obtenu ce qu’aucun autre pays n’a eu dans la carrière du groupe : pouvoir voir les Beatles en concert 3 semaines dans un même lieu pour 41 représentations soit 2 par jour. Paul, George, John et Ringo devaient se produire dans un spectacle comprenant d’abord Trini Lopez (artiste latino-américain connu depuis quelques années pour ses adaptations de grands succès) puis Sylvie Vartan, en position difficile entre 2 grosses vedettes. En une trentaine de minutes, les Beatles devaient conclure la soirée. Le contrat entre Bruno Coquatrix et Brian Epstein est signé dès l’été 63. En plus, ils ont profité de leur séjour pour enregistrer dans les studios Pathé Marconi de Boulogne-Billancourt : 2 versions en allemand de I want to hold your hand et She loves you. C’est là aussi que les bases de Can’t buy me love sont posées. Les Beatles, à l’exception des titres enregistrés en Allemagne en 61-62, n’ont jamais enregistré ailleurs qu’à Londres, Paris est donc une vraie exception. C’est une véritable enquête très sérieuse et documentée qu’il a menée, retrouvant des sources d’époque, des archives parfois inédites, enregistrements audio, articles et reportages pour la presse et télé, ou ultérieures (mémoires de Brian Epstein…) ainsi que 48 témoins, célèbres ou anonymes, ayant assisté à un ou plusieurs concerts parisiens (dont Richard Gotainer, Louis Chédid ou Gérard Holtz par exemple, alors qu’ils étaient ados). Au final, une analyse passionnante de ce séjour qui a donné lieu à de nombreuses versions, Krasker tentant de rétablir une part de vérité dans tout ça, ce qui n’est pas évident. Parmi les rumeurs largement propagées par les médias français généralistes à ce moment-là, celle qui voudrait que les Beatles n’aient obtenu au mieux qu’un « succès d’estime » voire aient essuyé un vrai bide à l’Olympia. A leur retour en juin 65 au Palais des Sports pour 2 concerts, ils seraient venus prendre leur « revanche »…Tout le dernier chapitre est consacré à l’examen historique de cette légende. En réalité, ils ont obtenu un beau succès mais plusieurs éléments se sont ajoutés pour en expliquer la naissance et sa propagation. D’abord le fait que le groupe est arrivé alors qu’ils étaient encore peu connus par la majorité de la population. Même si leurs titres passaient de plus en plus à la radio dans les émissions pour jeunes (sur Europe 1, Radio Luxembourg), leur 1er album n’était paru en France que quelques mois avant leur arrivée (fin octobre 63). Le responsable en est la filiale d’EMI en France, les disques Odéon, qui aurait dû le faire sortir bien avant. Ensuite très peu de publicité a été faite autour de l’événement. Enfin, les médias généralistes ont couvert presque uniquement l’avant-première du spectacle à Versailles le 15 janvier et la 1ère à l’Olympia le lendemain dans une salle largement remplie d’invité(e)s trié(e)s sur le volet et forcément un peu « guindé(e)s ». L’ambiance s’en est largement ressentie et dès le 2e spectacle, elle était bien plus chaude. Les salles sont en grande majorité masculines et non féminines en France et les musiciens y étaient peu habitués. Après avoir interrogé les différents témoins, écouté les versions enregistrées de ces concerts et regardé les images prises, il est évident que les Beatles ont bien conquis Paris même si la capitale n’a pas à ce moment-là connu de phénomène comparable à la « Beatlemania » britannique car les circonstances étaient bien différentes entre les 2 pays. Dès leur départ de Paris, ils s’envolent vers les États-Unis où ils vont connaître un succès phénoménal mais attention, bien préparé par Brian Epstein et Capitol records (leur maison de disques là-bas) qui ont mis des moyens absolument gigantesques dans la promotion, ce qui n’avait pas été fait en France. Un ouvrage complet et foisonnant, sérieux avec des notes presque en bas de chaque page. Ça change de certains ouvrages qui livrent aujourd’hui encore leurs élucubrations sur les Fab Four ! Et ce livre permet de savoir si oui ou non, les Beatles ont bien rencontré Bardot en 64 à Paris !!!

JOE-ROBERTS
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