Pour ceux qui n'ont pas le bonheur de la connaître, il est temps de découvrir Marie Noël.
Henri de Montherlant la décrivait ainsi : "Elle est le seul poète à m'avoir bouleversé depuis une vingtaine d'années". Admirée également par Paul Valéry, celle-ci écrivait des vers fluides et musicaux pleins de charge émotive. J'ai lu Marie Noël à vingt ans, je l'ai relue plus tard, et mon admiration pour elle n'a jamais cessé de grandir. Sa poésie faussement simple fourmille de trouvailles exquises tracées d'une main experte. Elle coule telle une eau claire, sans que rien n'en altère le cours. Elle est toute élégance, toute harmonie, tout raffinement. Dès "Les chansons et les heures", Marie Noël nous enchante, nous captive et nous trouble. C'est la voix de l'âme qui s'exprime par sa bouche, une voix chaude, délicieusement intime dont le chant s'insinue en nous comme une fleur ouverte à la rosée. Avec passion et retenue, Marie Noël tisse peu à peu une vie de femme aimante et blessée. Hormis Marceline Desbordes-Valmore, l'aînée géniale, personne ne sait mieux qu'elle ouvrir jusqu'à la désespérance son coeur débordant d'amour et de foi. Mais laissons-lui maintenant la parole : "Quand il est entré dans mon logis clos, J'ourlais un drap lourd près de la fenêtre, L'hiver dans les doigts, l'ombre sur le dos… Sais-je depuis quand j'étais là sans être ? Et je cousais, je cousais, je cousais… - Mon cœur, qu'est-ce-que tu faisais ? Il m'a demandé des outils à nous. Mes pieds ont couru, si vifs dans la salle, Qu'ils semblaient - si gais, si légers, si doux, - Deux petits oiseaux caressant la dalle."