Apologie de la torpeur

Contient un spoiler mineur

Bret Easton Ellis est, malgré son statut et les best-sellers qu'il a pu écrire, un auteur que je n'avais jamais lu. Souhaitant un peu rompre ma routine sci-fi/fantasy du moment, je me suis dis que c'était le bon moment pour le découvrir et pourquoi pas le faire avec son dernier roman en date, influencé je dois le dire par la note SC flatteuse.

C'est un livre très différent de ce que je lis habituellement, à plusieurs titres. Pour commencer, c'est une autofiction, c'est à dire une autobiographie fictionnalisée de l'auteur, qui inclut des éléments réels et de la fiction et où l'auteur s'incarne dans l'intrigue (il est même le protagoniste point de vue ici). En tout cas, il est vendu comme tel, mais ça n'en est pas réellement une, puisqu'Ellis révèlera à la toute fin que tout (évènements, personnages, histoire) est inventé, si ce n'est ce qui le concerne lui-même. Du coup, rétrospectivement et en connaissant la fin (que je ne spoilerai pas), je dois dire que je n'ai pas bien compris ce qu'apportait ce mode de narration par rapport à une fiction. Oui, on en apprend un peu plus sur l'auteur, ou plutôt sur ce qu'il prétend qu'il était à 17 ans, c'est un peu plus immersif. Mais on peut aussi être amené à se demander ce qui est réel et ce qui ne l'est pas. Du coup, pour moi, cette inclusion d'Ellis dans sa propre histoire n'apporte pas grand chose par rapport à une intrigue ayant un personnage principal fictionnel.

Autre chose : c'est beaucoup plus violent et cru que ce que je lis habituellement. Que ce soit pour les descriptions très gores des crimes du tueur en série ou pour le sexe, avec des relations hétérosexuelles ou homosexuelles entre adolescents (ou entre adultes et adolescents vaguement consentants), décrites par le menu et de façon répétée. Ce n'est pas quelque chose qui m'a dérangé (il en faut plus pour me choquer), mais je pense que ce ne sera pas au goût de tout le monde et qu'il vaut mieux le savoir avant de commencer.

Concernant l'histoire et les personnages, on suit un groupe d'adolescents de la jeunesse dorée californienne du début des années 80, dont le quotidien va être perturbé par l'apparition d'un tueur en série. Des personnages qui possèdent tout et sont pourtant blasés par la vie, qu'ils traversent dans un nuage léthargique de drogues, de médicaments, d'alcool et de dépravation. Difficile de s'attacher à eux, mais étant donné la façon dont c'est écrit, je pense que c'est un choix délibéré de l'auteur. On va simplement dire qu'il y en a que j'ai moins détesté que d'autres. En soi, ça n'est pas un problème : nul besoin d'avoir un affect positif envers les protagonistes pour apprécier une histoire.

Le livre est long mais je ne l'ai pas trop ressenti (raison qui fait que j'ai fini par mettre 7 après avoir hésité avec un 6). L'auteur prend vraiment son temps pour installer une ambiance. Je dois dire qu'à partir de la moitié du livre à peu près, j'ai été bien pris par le déroulement et impatient de connaître le dénouement de l'histoire, principalement par rapport à l'identité du tueur en série et la destinée des personnages. Là où, pour moi, le bât blesse, c'est que le final tombe un peu à plat niveau émotionnel et n'est pas à la hauteur de la montée en tension construite tout au long du roman. C'est un peu le syndrome du tout ça pour ça, qui est toujours dérangeant sur des livres aussi longs, même si je suis habitué au long avec les cycles de fantasy.

Suis-je content d'avoir découvert cet auteur ? Oui. Ai-je apprécié ce livre ? Globalement, oui, même si je ne pense pas qu'il me marque. Est-ce que ça m'a pour autant donné envie de découvrir le reste de la bibliographie de l'auteur ? Pas vraiment.