J'adore Jules Verne.
Depuis le jour béni de mon dixième anniversaire où une amie eut l'excellentissime idée de m'offrir deux romans : L'Île au trésor, de Stevenson, et L'Île Mystérieuse, Verne est devenu l'un des piliers centraux de mon panthéon littéraire. D'un seul coup, je pénétrai dans le domaine de la littérature, et mon amour immodéré pour la lecture trouve sûrement là son origine.
Mon admiration pour Julot est de celle qui pardonne tout, même les défauts. Bien sûr, j'ai parfaitement conscience que certaines pages sont parfois ennuyeuses avec tous leurs détails scientifiques et leurs noms bizarres. Bien sûr, il dérange parfois, quand il affirme que les populations indigènes sont des sauvages sous-développés plus proches des animaux que des humains. Mais c'était de son temps (ce qui ne pardonne pas, évidemment). Et puis, quand on aime, on pardonne.
Depuis, j'en ai lus, des romans de Jules, les plus célèbres bien sûr, mais aussi quelques inconnus. Mais il m'en manque quelques uns, même parmi les célébrités. Et, au sein de ceux-là, il y avait Les Enfants du capitaine Grant. Je ne sais pas pourquoi, mais j'en attendais beaucoup, comme si le titre était une promesse d'aventures.
Et je ne fus pas déçu.
Loin de là.
Les Enfants du capitaine Grant se hisse d'emblée parmi mes romans préférés de Verne (en fait, à la deuxième place, juste après L'Île Mystérieuse, mais celui-ci, il joue hors-catégorie)
Tentons de faire court (dans la limite du possible).
Un noble écossais, féru de nautisme, découvre une bouteille contenant un message, dont le texte a été partiellement effacé par l'eau de mer. Lui et son équipage, ils tentent de déchiffrer ce qui reste, et en concluent qu'un bateau, le Britannia, a fait naufrage le long du 37ème parallèle Sud. Face à des autorités qui refusent d'agir, l’Écossais monte lui-même une expédition, à laquelle vont participer les deux enfants du capitaine Grant.
Et c'est parti pour une incroyable aventure. Hissez les voiles, larguez les amarres ! "Il donna des ordres au maître d'équipage pour parer à l’assaut de l'ouragan qui ne pouvait tarder à se déchaîner. Les saisines des embarcations et les amarres de la drome furent doublées. On renforça les palans de côté du canon. On roidit les haubans et galhaubans. Les écoutilles furent condamnées. John ne quitta pas le bord du vent, et du haut de la dunette il essayait d'arracher ses secrets à ce ciel orageux."
Ah ! ces romans d'aventures maritimes ! Avec tout son jargon auquel je ne comprends rien, ça acquiert pour moi un caractère poétique qui se mêle à l'exotisme. Je sens presque l'odeur du bois du bateau et les senteurs iodées.
Mais ça ne suffit pas à notre Julot national. Il faut aussi traverser des terres, escalader des montagnes, contourner des marais, échapper à des populations indigènes assoiffées de sang, découvrir des villes, faire l'ascension de volcans, être prisonniers et tenter de s'évader, combattre de dangereux malfrats, subir des trahisons, essuyer des coups de feu, survivre à la faim et à la soif, rencontrer des animaux fabuleux, sortir de forêts d'eucalyptus, être submergé par une inondation, assister à des accidents de chemin de fer, compter des morts, jeter de l'huile dans la mer, chasser le requin, etc.
Les Enfants du capitaine Grant, c'est le sommet du roman d'aventures. ça bouge constamment, les personnages ne sont jamais à l'arrêt, l'action rebondit sans cesse, les situations s'enchaînent sans qu'il y en ait deux identiques, c'est un véritable tourbillon qui nous entraine loin. Les paysages défilent, faisant alterner émerveillements et dangers.
De plus, Verne sait nous faire passer par toutes les émotions. On frémit face aux situations périlleuses, mais aussi on s'amuse énormément. Et parce qu'il sait toujours ménager une place à l'humour, l'auteur, dans un des nombreux coups de génie de ce roman, a créé Paganel, improbable géographe français, sûrement ascendant quelconque de Pierre Richard, LE Distrait s'embarquant pour l'Amérique du Sud en croyant aller aux Indes, et j'en passe. La scène où il interroge un jeune aborigène qui est allé à l'école des colons anglais et où il découvre une géographie revue et corrigée est proprement hilarante.
Alors, bien entendu, nos héros sont grands, forts, nobles, vertueux, galants, intelligents, et j'en passe. Bien entendu, il y a parfois des solutions extrêmes un peu tirées par les cheveux, mais tout cela ne fait que renforcer le charme extraordinaire de ce roman.
Le seul défaut vraiment important se trouve dans la troisième et dernière partie du livre. Là, Verne se lance dans trois ou quatre chapitres d'affilée où il décrit par le menu le pays traversé alors. On a droit à la faune et la flore étudiées dans le détail. C'est franchement fastidieux et c'est sûrement là que s'est envolé le petit point qui manque à ce roman qui, sans cela, aurait mérité la note maximale.
Car, je le répète, Les Enfants du Capitaine Grant, le plus long roman de Verne que j'aie lu à ce jour (730 pages, quand même), est une merveille. En plus, il y a les nombreuses gravures qui servent d'illustrations et qui confèrent toujours à ses romans un charme inimitable.
A lire impérativement.