Je suis tombé sur ce livre d’histoire théologique par l’entremise d’un proche de l’auteur, prêtre de son état en Bourgogne. Et c’est précisément l’objectivité d’Emmanuel Pic, de considérer les trafics d’influence au sein de cette église catholique du début du dix-septième rendant les Filles de Dieu honnête et vraiment pas orienté, qui est véritablement remarquable. Par un travail véritablement bien documenté sur la période, l’auteur raconte comment deux sœurs abbesses liées à l’influente abbaye de Citeaux ( Angélique et Agnès qu’il baptise les Filles de Dieu dans le titre de son ouvrage) se sont retrouvées impliquées dans un duel théologique à distance sur la façon d’inscrire et de transmettre la religion catholique dans des couvents entre la Bourgogne et l’île de France ( avec l’abbaye de Port-Royal). Plusieurs éléments retiennent l’attention comme cette opposition naturelle entre le mode de fonctionnement des abbayes ( le provincial opposé à celui de la capitale) mais de façon assez surprenante les codes se sont inversés. En effet, sous l’impulsion de Zamet, « évêque-duc »de Langres ( notez l’incongruité du titre de ce notable partagé entre la noblesse et la hiérarchie religieuse) Port-Royal a failli devenir une abbaye d’ « aisance » fréquentée par des sœurs catholiques issus de milieux aristocratiques tandis que l’abbé de Saint-Cyran était pour une ouverture Augustinienne ( digne de Saint Augustin)et en ouvrant l’accès de l’abbaye de Port-Royal à des sœurs de tous horizons sociaux pour vivre la religion catholique modestement et sans apprêts. Dans le même temps, le monastère de Tart ( dépendante du vertueux ordre de Citeaux) est passé d’une religion catholique ascète à une religion catholique d’aisance.Au delà de ces influences contrastées, Angélique et Agnès ont du oublier leur lien filial, ne pas inconsidérablement prendre parti pour être inquiétées par de plus hautes instances religieuses ( Richelieu, à cet époque, faisant la pluie et le beau temps en royauté), et en assumant d’être des pièces maîtresses d’un échiquier pour l’essor d’une religion sincère, désintéressée et délivrant un message d’ouverture et de simplicité dans la prière.Les Filles de Dieu, en cela, est un témoignage sans concessions sur des femmes religieuses obligées de louvoyer pour survivre, porter sur leurs épaules des enjeux théologiques initiés par des hommes ( fussent ils d’église).Entre les lignes, Emmanuel Pic admire cette abnégation pour ces femmes qui connurent peu d’éclaircies dans des existences où le service de Dieu fut relégué par l’accomplissement de volontés politiques plus ou moins acceptables. Sur la réception de l’œuvre en elle-même, le lecteur doit considérer que les soubresauts réguliers de cette histoire font l’identité de ce livre annonçant les prémices du jansénisme ( un retour aux fondamentaux pieux de l’Eglise venu de Belgique). Au début, ce flot d’informations captive mais il peut lasser sur le dernier tiers du livre car ce duel théologique entre une religion d’état politique /aristocratique et une religion provinciale luttant pour réhabiliter les fondamentaux spirituels de l’Eglise catholique paraît sans fin et insurmontable ( ce qu’il fût bien après Agnès et Angélique dans la deuxième partie du dix-septième siècle).En tout cas, ce livre mérite un détour car il ose parler sans fards que la vraie foi n’est pas l’intrigue, ni un positionnement dans les hautes sphères de la société. On dirait donc que l’Eglise, en la personne d’Emmanuel Pic, a encore des défenseurs avisés sur le bien fondé indispensable de son sacerdoce. Et c’est très rassurant.