Les Hauts de Hurle-Vent. N'importe qui a déjà pu pressentir son univers sans même avoir lu le livre.
Des landes recouvertes de bruyère, balayées par un vent glacial, un ciel où il semblerait que le soleil ne se montre jamais, des manoirs sinistres renfermant des individus au moins aussi avenants que le climat dans lequel ils baignent, des morts qui refusent la paix aux vivants...
Au delà de l'histoire, aussi bonne soit elle, c'est l'atmosphère même du roman qui vaut le détour.
Sombre, violent, sauvage mais aussi romantique sous certains aspects; Emilie Brontë aime jouer sur l'opposition entre les passions déchirantes mais tellement futiles des hommes et l'immensité sereine des espaces dans lequel elles ont lieu. Il s'en dégage alors un sentiment de plénitude assez incroyable.
Et que dire des personnages, tous plus détestables les uns que les autres ?
Pourtant le plus déconcertant, c'est qu'on s'y attache et pour de bon. Un peu comme on aime nos proches, en aimant intensément leurs bons côtés et en composant avec les autres puisque de toute manière, personne n'est parfait... Qu'ils soient ici inconstants, cruels, aigris ou lâches il y en a pour tous les vices.
Prenons Heathcliff par exemple, le mystérieux enfant adopté à l'âge de 6 ans et dont les origines resteront inconnues. Lui qui attirera le malheur sur sa famille, attisant la haine de certains où précipitant la mort d'autres, et pour lequel on ne peut s'empêcher de ressentir tour à tour de la compréhension, de la haine, de l'admiration, du mépris, etc... Ce personnage insaisissable condamné à une solitude absolue, n'appartenant à rien ni personne, qui n'aura d'autre exutoire que d'évacuer son mal-être par une violence contre lui-même et tous ceux qui l'ont fait souffrir.
En fait, la richesse du roman réside dans le fait qu'aussi imparfaits soient-ils, tous les personnages sont pétris de la même matière, c'est à dire qu'ils sont dans le juste, la vérité.
Si certains ont pu s'étonner, lors de sa sortie en 1845, que Les Hauts de Hurle-Vent par sa brutalité et sa noirceur soit l’œuvre d'une femme, je dois dire que je ne le suis pas du tout. La souffrance et la cruauté ne sont pas des tendances cantonnées aux hommes, et la plume d’Émilie Brontë parvient à leur allier une certaine finesse ainsi qu'une réelle humanité. On aurait eu beau y rajouter toutes les scènes pornographiques et les détails sanglants sous-entendus par les passages les plus violents, le récit n'en aurait été que moins saisissant.
En outre, c'est dans sa subtilité que réside toute l'intensité de ce chef-d’œuvre.
Ce livre évoque en moi la mélancolie à la manière d'un soir d'été.