J’en ai presque terminé avec mes lectures en service de presse avec NetGalley.fr. Le livre dont je vais vous parler aujourd’hui est l’avant-dernier avant que je reprenne des lectures plus « libres », même si je n’ai finalement lu que des livres que j’ai choisis de solliciter.


Brillant diplômé de la promotion Senghor de l’ENA (2002-2004), Boris Vallaud lançait en guise de plaisanterie, quand on lui faisait remarquer que ses camarades et lui avaient investi à une vitesse éclair les sommets de la République : « N’exagérons rien. J’ai 38 ans. À cet âge, Napoléon était déjà empereur… » Il ne savait pas encore qu’à tout juste 39 ans, Emmanuel Macron deviendrait chef de l’Etat, et ferait de la cour Napoléon du Louvre le lieu de son couronnement.
Depuis lors, la classe Senghor est associée au nom du plus jeune président de la Vème République. Emmanuel Macron est-il le fruit très exceptionnel d’une cuvée comme une autre de l’école du pouvoir ? Ou bien tout le millésime a-t-il quelque chose d’unique ? Que nous dit son histoire sur l’évolution de l’ENA, institution parfois décriée mais considérée comme le fleuron de la République, le creuset de son élite ? Vite présents dans les cabinets ministériels, à l’Elysée, dans les ambassades, au directoire des banques et des grandes entreprises, ses élèves ont-ils eu des parcours originaux, novateurs, étonnants ?
Mathieu Larnaudie a rencontré près de trente « Senghor ». Il raconte leurs parcours, leur vision de l’école, explique les ressorts de leur ambition, la façon dont elles et ils ont élaboré leurs carrières. À travers ce dynamique et souvent sympathique club de jeunes gens, se dessine la fabrication d’un réseau de pouvoir dont l’aura est cardinale dans l’imaginaire politique français.


Les jeunes gens est un livre-enquête de Mathieu Larnaudie dans lequel il s’intéresse à la promotion Senghor de l’Ecole Nationale d’Administrative, la fameuse ENA cible d’autant de fantasmes que d’attaques. La promotion Senghor a la particularité d’être celle dont est issu Emmanuel Macron, élu en 2017 plus jeune Président de la République à l’âge de 39 ans, sans avoir jamais été élu à aucun mandant jusque là. Ce succès retentissant a fait connaître cette promotion de l’ENA, un peu à l’image de la promotion Voltaire dont étaient issus François Hollande, Ségolène Royal, Dominique de Villepin ou Michel Sapin.


Le nom « ENA » cristallise un faisceau de signes qui se déploie dans l’imaginaire collectif, alimentant les fantasmes et les rancoeurs, s’offrant comme foyer de fascination aussi bien que comme cible privilégiée des critiques. C’est la panacée promises des élèves méritants ; c’est le repoussoir agité par les populismes ; c’est le gage de l’excellence des serviteurs de la nation ; c’est la machine à reproduire les inégalités visée par les sociologues


Mathieu Larnaudie nous raconte le parcours personnel et professionnel de plusieurs anciens élèves de cette promotion, aux origines différentes et aux destinées variées, même s’ils sont tous proches des cercles de pouvoir, qu’ils soient politiques ou économiques.


A travers ces portraits, il dresse surtout celui de l’ENA, de son système de sélection et de formation des futurs serviteurs de l’Etat. Le grand talent dans ce livre, c’est que tout cela est fait sans caricature, en reconnaissant certaines vertus au système, mais avec ce qu’il faut de critique et de distance. Y sont décrits avec acuité les caractéristiques fortes de l’ENA : le fonctionnement en réseau, le conformisme de l’enseignement qui tend à maintenir un socle idéologique commun, et les inégalités sociales tant à l’entrée qu’à la sortie de l’école.


C’est aussi une réflexion intéressante sur l’évolution du monde politique, ses codes, ses passages obligés, ce qui change ou ce qui semble changer. L’auteur analyse et décrypte également la trajectoire d’Emmanuel Macron, diplômé le plus illustre de la promotion Senghor, passé du public au privé puis à nouveau au public avant de briguer avec succès la Présidence de la République.


Il serait trop long de lister tous les thèmes passionnants évoqués dans ce livre. J’ai tout simplement adoré ce livre, qui est une plongée captivante dans un des piliers de la République, à savoir l’école qui en forme les futurs serviteurs. Plus que les portraits individuels, c’est l’impression d’ensemble et les réflexions sur l’Etat, le service public, et la dimension sociale de l’ENA qui m’ont passionné dans ce livre. Je le recommande très clairement à ceux qui s’intéressent à la politique et surtout à la marche de l’Etat.

ZeroJanvier
9
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le 1 juin 2018

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Zéro Janvier

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