Deux parties dans Les mystères de la forêt, deux romans en un. Et tout d'abord, le monde de la forêt où se réfugient Adeline, l'héroïne, et la famille de La Motte, un homme aux abois qui fuit la justice française à cause de ses dettes de jeu.
La première partie relève sans doute bien davantage de la littérature gothique : bien que refuge pour les personnages, la forêt , c'est aussi le lieu des énigmes et des dangers. En son cœur s'élèvent les ruines d'une abbaye gothique recelant sombres couloirs, portes qui grincent, souterrains et chambres dérobées. C'est dire que, si c'est là que vont s'installer La Motte, sa famille, ses domestiques et Adeline, l'orpheline qu'il a tirée des griffes d'hommes aux intentions rien moins que louches, la peur sera leur compagne de tous les jours et, surtout, de toutes les nuits. D'autant que l'abbaye est le sujet des légendes les plus noires et qu'ils vont découvrir un mystérieux squelette caché dans un coffre et un terrible manuscrit. Vous ajouterez à cela l'intervention d'un marquis cruel et vicieux qui n'a pour seule volonté que d'enlever et de violer Adeline, les évanouissements continuels de celles-ci -dévoilant comme par hasard ses appâts aux moments les plus inopportuns - et l’apparition d'un charmant jeune homme qui s'éprend de l'héroïne, et réciproquement... tous les ingrédient du gothique sont réunis. Peu importe donc qu'il ne sa passe pas grand-chose, et qu’on n'apprenne pas grand-chose sur l'histoire d'Adeline, l'essentiel est dans l'atmosphère oppressante, angoissante, terrible de la forêt et de l'abbaye. C'est terrible, donc c'est sublime (définition du gothique). C'est le roman des peurs et des désirs, des rêves et des cauchemars, c'est le roman de l'inconscient.
Mais la suite des aventures d'Adeline, qui va (ah ! enfin!) se prendre en main pour échapper aux horribles projets fomentés par le marquis de Montalt, opérera un véritable revirement dans le roman. De l'abbaye gothique on passe aux paysages pastoraux, des cruels persécuteurs aux amis protecteurs. Si les ennuis d'Adeline ne sont pas, loin de là, terminés, le gothique en prend un grand coup dans l'aile. Et malgré les révélations finales dignes d'une pièce de Molière ("Ah mon fils !" "Ah mon frère !" "Ah ma nièce!") dévoilent bien des vicissitudes encore cachées jusque là, le lecteur et les personnages s'encroûtent. Adeline a réussi son initiation, elle a vaincu les démons - les siens et ceux des autres. Elle est devenue adulte. Mon goût me portant davantage aux frissons délectables ressentis dans la forêt et les ruines gothiques qu'à l'apaisement offert par une nature bienveillante, c'est décidément la première partie des Mystères de la forêt que je préfère, la seconde m'ayant, non pas ennuyée, mais guère passionnée.