Les *Pâturages du ciel* est un recueil de 12 nouvelles d'une trentaine de pages chacune et dont l'intrigue se situe dans la douce vallée Californienne de Salinas. Après un premier roman assez moyen, Steinbeck choisit d'écrire sur ce qu'il connaît le mieux : les paysages ensoleillés de la Californie et ses "êtres simples qu'il connaît si bien" (John Brown, *Panorama de la littérature contemporaine aux Etats-Unis*, 1954.).
Nous suivons donc les tribulations de différents habitants de la vallée dans un cadre bucolique. L'auteur affirme son style et sur ce point il approche de très près ses futurs chefs-d’œuvre. Cependant, la qualité des intrigues est variable et on peut légitiment parfois se poser des questions sur l'intérêt de certaines (celle des deux sœurs qui deviennent prostituées par exemple) bien que d'autres soient très réussies (l'homme hanté par le deuil de ses parents). La dernière nouvelle est quant à elle très courte mais tout à fait édifiante (bien qu'un brin manichéenne) car elle parachève le recueil en opposant la vision d'un chauffeur d'autocar qui considère la vallée comme un lieu paisible où le travail de la terre, la vie de famille et la proximité avec la nature offrent une vie simple qui constitue la clef du bonheur. Un passager y voit une opportunité de construire d'immenses villas et de se servir du cadre magnifique comme un argument de vente afin d'attirer une clientèle fortunée.
Ce recueil est selon moi l'ouvrage fondateur de l'oeuvre de Steinbeck, il est même impressionnant de constater toutes les thématiques que l'on retrouve dans ses œuvres postérieures : les travailleurs agricoles (*Les Raisins de la colère*, *Au Dieu inconnu*, *Des Souris et des hommes*, etc.), la vie d'une petite communauté de voisins (*Rue de la Sardine*), la critique du capitalisme (*Les Raisins de la colère*), le regard des autres et le mépris des différences qui empêchent l'intégration des individus en marge de la société (*Des Souris et des hommes*), la Californie et surtout la région de Salinas (*A l'Est d'Eden* et tant d'autres...), et même l'autocar de la dernière nouvelle qui semble annoncer "*Les Naufragés de l'autocar*".
C'est un ouvrage que je recommande à ceux désireux de découvrir le style de Steinbeck ainsi qu'aux initiés qui pourront trouver intéressant de découvrir les débuts de l'auteur que l'on connaît tout en cherchant les similitudes troublantes avec ses œuvres postérieure. Je recommande vraiment la lecture en langue originale pour ceux que l'anglais ne rebute pas ; le vocabulaire est assez simple et l'ensemble se lit assez facilement car la traduction se révèle catastrophique par moments ("Enfants ! Enfants ! Ne froissez pas les habits de votre père !" (p.199)).