Laeseng est un tueur : jeune, efficace, sans principe, né dans les bas-fonds, il a été adopté par Raton-Laveur, directeur de la bibliothèque des chiens, directeur en réalité de la plus grande organisation criminelle de la Corée du Sud.
Organisée en véritable entreprise, avec ses parts de marché, ses clients, son management, cimentée de réseau ou chacun à sa place : assassins, exécuteurs, planificateurs, la bibliothèque étend son pouvoir dans la fange et bien au delà dans l'univers politique. Un business juteux, lucratif qui exacerbe l'ambition cupide de Hanja, le demi frère de Laeseng. La guerre s'engage.
Au pays du crime, donnez moi le plus attachant des tueurs. J'ai adoré Laeseng, sa "beauté", son humour, sa personnalité, ses réflexions sur sa société particulière. L'auteur Kim Un-Su, par les yeux de son personnage, nous embarque dans un polar qu'on pourrait décrire à Tarantino, pas par un coté déjanté mais par la réflexion juste sur le ton de l'humour.
"Voilà pourquoi les procureurs et les policiers un peu finauds se servent dans les bas-fonds [...]ils veulent les oeufs d'or, pas la poule qui pond. Une fois la poule mangée, c'en serait fini des oeufs d'or ; une fois les bas-fonds avalés, il ne leur resterait que leur poing à grignoter. "
C'est tout l'art du K-drama ou roman coréen, faire passer les réflexions en douceur, sous-couvert d'humour, mais faire passer, à coup sûr. L'auteur nous décrit une Corée du Sud, impitoyable, crasse, mais pourvue d'émotion brut, d'amitié, d'amour, d'humanité finalement là où on s'y attend le moins. Laeseng forcée par son frère s'interroge, nous interroge, confronte son monde et le nôtre, des mondes liés, qui se cherchent sans oser se regarder.
Les personnages sont croustillants à souhait, entre l'exécuteur, barbier qui a pignon sur rue, le poilu qui incinère les cadavres dans son incinérateur à bêtes, la bibliothécaire qui louche, et le tueur sans pitié qui une fois son boulot terminé rentre pèpère chez lui boire des bières en compagnie de ses chats Pupitre et Lampadaire. le décor est très visuel, l'écriture parfois poétique, la réflexion philosophique, le rythme adapté au situation et les dialogues aux petits oignons.
"-Où l'as-tu trouvée ?
- dans les WC chez moi
-T'aurais pu y laisser tes fesses.
- Ce petit truc aurait pu m'arracher le cul ?
- C'est une question de pression par rapport à la cuvette."