Mauvais roman policier, mauvais roman tout court. L'intrigue ne prend légèrement son essor qu'à la moitié, voire aux trois-quarts du livre. Mais elle est tellement classique, basique et peu travaillée qu'on n'en voit pas l'intérêt. Les personnages restent pure abstraction, tant du point de vue de la personnalité que du physique (jamais on ne sait à quoi ils ressemblent). Le style est plat, l'intrigue mal rythmée, les dialogues artificiels - les personnages se parlent constamment les uns aux autres en se donnant des leçons, en fait destinées au lecteur, sur le monde de l'art. Le clou, c'est l'introduction dune espèce de message codé via une reproduction du tableau de Giorgione La tempête, qui ne sert strictement à rien dans l'histoire.
Par-dessus le marché, tout le roman est bourré d'incohérences ou de facilités. Facile, le coup du gars à qui échappe par mégarde un papier important qu'on lui avait confié, au moment où il baisse la vitre du taxi et qu'un coup de vent survient inopinément (mince, alors!) Facile et, surtout, peu crédible. Impossible, le coup du directeur qui interrompt une exposition d'envergure internationale dans son musée d'art contemporain sur un coup de tête : ni en Corée, ni ailleurs, les partenaires et mécènes d'une exposition ne laisseraient faire une chose pareille, sauf si un enjeu d'ordre "moral" était en jeu (on a tendance en effet à censurer facilement sous n'importe quel prétexte de cet ordre, ces temps-ci) ; or, ici, il ne s'agit pas de ça, donc l'idée de faire reposer l'intrigue sur l'interruption intempestive d'une expo est totalement absurde.
Ajoutons à cela, sous le prétexte d'ouvrir les yeux du lecteur sur le monde de l'art contemporain, de multiples poncifs du type "L'argent corrompt l'art', "Le monde de l'art a ses propres règles", "L'art doit rester pur", etc., etc. Les clichés ne manquent pas.
Plutôt que de s'ennuyer comme moi à aller jusqu'au bout de ce roman bien inutile, je conseille donc aux autres lecteurs de se pencher sur L'affaire Raphaël de Iain Pears, qui traite aussi du marché de l'art et de faux tableaux, mais sur un mode beaucoup plus drôle, avec une intrigue tarabiscotée à souhait (c'est là tout son charme) et très prenante.