"C'est un gosse qui parle. Il a entre six et seize ans, ça dépend des fois. Pas moins de six, pas plus de seize. Des fois il parle au présent, et des fois au passé. Des fois il commence au présent et il finit au passé et des fois l'inverse. C'est comme ça, la mémoire, ça va ça vient. Ca rend pas la chose compliquée à lire, pas du tout, mais j'ai pensé qu'il valait mieux vous dire avant.
C'est rien que du vrai. Je veux dire, il n'y a rien d'inventé. Ce gosse, c'est moi quand j'étais gosse, avec mes exacts sentiments de ce temps là. Enfin, je crois. Disons que c'est le gosse de ce temps là revécu par ce qu'il est aujourd'hui, et qui ressent tellement fort l'instant qu'il revit qu'il ne peut pas imaginer l'avoir vécu autrement."

Ainsi s'exprime, en préambule, la prévenance et la modestie de Cavanna à l'égard de ses lecteurs. Est-il encore besoin de le présenter le bonhomme? Commençant d'abord comme dessinateur pour enfant, puis pour la presse, il delaissera assez rapidement le dessin pour l'écriture et finira par s'associer avec un certains Georges Bernier pour fonder "Hara-Kiri" (qui deviendra ensuite Charlie Hebdo). Personnellement, à l'exubérance et la provocation d'un professeur Choron, j'ai toujours préféré la discrétion, l'élégance et la subtilité d'un Cavanna. Bien qu'adepte de ses chroniques et billets d'humeur (il participa à la nouvelle formule de Charlie Hebdo), j'ai laissé "Les Ritals" prendre la poussière chez moi durant quelques années avant qu'un évènement me décide à m'y attaquer : la mort de cet irréductible gaulois transalpin en début d'année.

Les Ritals, c'est l'histoire d'un gamin issu d'un mariage mixte (mère française, père Italien) dans les années 30 à Nogent-Sur-Marne. Italien pour les français, mais Français pour les italiens, on suit les pérégrinations du jeune Cavanna et de sa bande de potes. Et le Cavanna adulte laisse libre cours à sa mémoire et semble retranscrire simplement ce qui lui passe par la tête sans soucis de chronologie : sa mère, son père, ses potes, son amour des livres, sa fugue, son dépucelage et l'amour des "petites fentes", ses premiers petits larcins, les conneries mais aussi quelques drames propres au quartier....
Un joyeux bordel en fait! Un joyeux bordel d'où ressort pourtant très souvent Luigi, son père! Et peu à peu, ce qui n'aurait pu n'être qu'une énième autobiographie sans grand intérêt, se transforme en véritable déclaration d'amour et de respect d'un fils envers son père, d'autant plus belle qu'elle n'est pas calculée (" J'étais parti pour raconter les Ritals, je crois qu'en fin de compte j'ai surtout raconté papa.")

Récit aussi drôle que touchant, avec un style qui lui est propre, Cavanna démontre là , pour ceux qui en doutaient encore, qu'il est un grand écrivain et c'est en ayant l'impression d'avoir vécu toutes ses "aventures " au côté de François que l'on referme ce livre! Vivement la suite avec "Les Ruskoffs".
Kowalski
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Autobiographies, biographies, récits de vie.....bref, ça cause de quelqu'un quoi!

Créée

le 24 août 2014

Critique lue 1.2K fois

25 j'aime

11 commentaires

Kowalski

Écrit par

Critique lue 1.2K fois

25
11

D'autres avis sur Les Ritals

Les Ritals
Vincent-Ruozzi
9

Devoir de mémoire

Tête droite, tignasse épaisse et moustache blanche, y a pas à dire Cavanna a fière allure dans la petite fenêtre sur la couverture de ce livre de poche, Les Ritals. Pour moi ce livre résonnait en un...

le 7 févr. 2016

20 j'aime

4

Les Ritals
ElGato
9

Critique de Les Ritals par ElGato

Cavanna, cent ans déjà. Ah non ? Putain, il est tellement vieux, faut dire... Ça tombe bien, puisque dans Les Ritals - et Les Russkofs, et en fait la meilleure de son oeuvre - c'est sa vie qu'il...

le 6 juil. 2010

8 j'aime

Les Ritals
zardoz6704
8

En fait, je le connaissais, ce livre

J'avais lu en français l'extrait sur le marchand d'huile, ça dormait dans un coin de ma tête.. Les souvenirs d'enfance de Cavanna, fils d'un père italien maçon à Nogent et d'une mère française qui...

le 16 juil. 2015

2 j'aime

Du même critique

Charlie Hebdo
Kowalski
10

Vous allez finir par vous aimer les uns les autres, bordel de merde!

Les avis c'est comme les trous du cul, tout le monde en a un! Et un fois n'est pas coutume, je sors de ma réserve habituelle sur tout sujet concernant l'actualité politique et la marche du monde...

le 8 janv. 2015

137 j'aime

62

Pusher II - Du sang sur les mains
Kowalski
9

Tuer le père!

Deuxième volet de la trilogie, "Du sang sur les mains" arrive à se hisser au niveau de Pusher, ce qui n'était pas une mince affaire. Ce coup-ci, on suit Tony (oui oui, celui qui avait...

le 16 sept. 2012

82 j'aime

16

L'Inspecteur Harry
Kowalski
8

Scorpio , Harry, même combat?!

Le voilà donc, l'objet du délit! Ce film qui, bien aidé par la plume redoutable de la journaliste Pauline Kael, fait passer Eastwood de héros de l'ouest à jeune con violent, réac et même carrément...

le 8 mai 2013

80 j'aime

15