Les six cent vingt-deux chutes de Bungo

Résumé : Œuvre de jeunesse au destin assez étrange que ces 'Chutes de Bungo'. Jamais oubliée et jamais reniée par l'auteur, elle n'a pourtant pas été éditée de son vivant. Bien plus, elle est restée pendant soixante ans à l'état de manuscrit avant d'être enfin livrée au public polonais en 1972. Si Witkiewicz avait renoncé à la publier au moment de son achèvement en 1911, ce n'était pas tant par manque de confiance en son propre talent que pour céder aux objurgations de son père, qui craignait que ce roman à clés ne blesse la susceptibilité de plusieurs personnalités très connues de l'intelligentsia polonaise. Il s'agit, en effet, d'une œuvre largement autobiographique, dans laquelle les deux héros centraux figurent le jeune Witkiewicz lui-même et sa maîtresse « démoniaque », la belle et inconstante actrice Irena Solska, prototype de toutes les femmes fatales qui pulluleront dans les pièces et romans ultérieurs de Witkacy. C'est elle-même qui amène le pauvre velléitaire Bungo de chute en chute jusqu'à la déchéance totale. Nous trouvons déjà ici cet intense pessimisme métaphysique mêlé de dérision qui fournira le ton si caractéristique de tout ce qu'écrira Witkiewicz par la suite. Bungo et tous ceux qui gravitent autour de lui sont obsédés par la recherche du sens de l'être en général et du sens de leur existence particulière. Mais, en même temps, comment prendre au tragique les tourments d'un individu qui se nomme le Baron Brummel de Bouffadéro-Bluff ou les caprices d'un monstre sacré de la scène, qui a pour nom Acné Montecalfi ? Tel qu'il est, ce roman constitue un document de première valeur sur la Pologne intellectuelle du début du siècle et sur la personnalité curieuse de ce jeune écrivain qui allait devenir l'une des figures les plus fascinantes de la littérature mondiale de l'entre-deux-guerres.