Un "page turner" certes, mais insipide au final

Je viens de terminer le livre fleuve « les somnambules » de Chuck Wendig. Un « Page Turner » comme je l’ai lu dans une critique. Une intrigue intéressante, à laquelle la crise du Covid-19 rend particulièrement attentif. Mais un roman construit de manière outrancièrement marketing : le politiquement correct assure la satisfaction du plus grand nombre, et le roman se termine de manière à faire languir après la suite.
L’auteur oppose deux sociétés qu’il stigmatise sans scrupule; serait-ce la triste façon dont les américains se regardent entre eux après la navrante ère Trump qui semble avoir annihilé tout esprit de finesse de toutes parts.

D’un coté, on y trouve le camp des innocents, avec tout à trac:

* Une relation amoureuse sans contraintes sentimentales entre deux afro américains; relation du style « la non demande en mariage » de Brassens, qui a fait long feu; mais relation qui débouche quand même sur un sacrifice, mais d’un style nouveau: c’est la conclusion d’un raisonnement scientifique; une navrante réminiscence d’une figure littéraire, puissante de tragédie et de poésie, qui fini par se renier elle-même dans une rationalité de laboratoire;
* Un passé à charge du héros qu’on ne parvient pas clairement à lier à l’intrigue mais qui semble avoir des répercussions sur ses réflexions; en tout état de cause, c’est un paria de la communauté scientifique, qui s’en est fait exclure. Profil interessant d’une victime à la fois coupable, mais sans développent éclairant et on reste sur sa faim;
* Une relation adultérine homosexuelle d’un rocker débile et déjanté rempli des chapitres entiers de discours pénibles;
* Une relation fille-père des plus tristes, fondée sur une succession d’incompréhensions malheureuses, est présentée comme une normalité assumée; la fille fini par tomber amoureuse d’un américain d’origine pakistanaise, type gendre idéal, scientifique de surcroit;
* Un couples de lesbiennes exemplaires de désinteressement; etc.

D’un autre coté nous est décrit le camps des cruels et des trompeurs :
* Un misérable pasteur blanc, hétérosexuel, raciste et sectaire par faiblesse et interêt;
* Un candidat populiste à la présidence des États Unis;
* Des considérations insipides sur Dieu, la Bible et le christianisme américain en général; mais pour séduire quand même un public religieux, le héros demeure mystérieusement attaché à une foi bizarre, qu’il justifie par des circonvolutions qui la font ressembler à une coquetterie plus qu’à une idée sur le réel ;
* on y rencontre surtout d’abominables supremacistes blancs; comme dans les reportages sur le Klu Klux Klan, ils sont sanguinaires et amateurs d’armes à feux; ce sont des meurtriers sans coeurs. Tortionnaires avisés et miliciens soumis aux bêtes cruelles les plus malines de leur camps.

Il va sans dire que l’ère Trump et son cortège d’évangéliques bien intentionnés donne matière à cette mise en scène caricaturale. Tout cela baigné d’un langage plus ordurier que précis, m’a déplu. Bref, un livre qui m’a tenu en haleine tout en me faisant de la peine par ses raccourcis racoleurs, son ton moralisateur, et sa description indigente des personnages plutôt basée sur la rentabilité marketing que sur une observation attentive des autres. Un auteur à succès commerciaux.