Limpide
Dans trois semaines, elle aura trente ans, trente ans, trois enfants, une belle ferme, une grande maison, un vacher, un commis, une bonne. Il crie qu'il est seul pour tout faire, qu'elle est un...
le 30 janv. 2023
3 j'aime
1
Dans trois semaines, elle aura trente ans, trente ans, trois enfants, une belle ferme, une grande maison, un vacher, un commis, une bonne. Il crie qu'il est seul pour tout faire, qu'elle est un boulet, un tas. C'est vrai, il a raison, elle est devenue un tas, un gros tas. Il cogne dedans, dans les jambes, dans le ventre. Ne plus l'entendre, ne plus le sentir, surtout les nuits où elle le laisse faire. Il est le père de ses enfants, il est son mari, il a des droits. Elle n'en parle à personne, il faut faire semblant devant les gens, même sa mère, son père et ses soeurs. Ils se sont mariés un 30 décembre, en se mariant avec lui, elle est entrée dans une sorte d'hiver qui ne finira pas. Elle est comme une vache lourde, une vache fatiguée : elle rumine et elle attend.
La voix d'une femme abimée par ses grossesses et la transformation de son corps, une femme abimée par les coups de son mari. La parole d'un homme confronté à la vie rude dans une ferme isolée du Cantal dans les années 60 et qui traite sa femme comme ses bêtes et cela lui paraît normal. Les sensations de la fille cadette qui revient quarante ans après refermer la grille de la ferme et clore cette terrible histoire de famille dans un bref épilogue de 4 pages.
C'est un roman très dur comme la vie dans la France rurale de cette époque, un texte court (120 pages) mais intense, tout est suggéré, chaque mot a son importance. La plume si belle de Marie-Hélène Lafon nous raconte les choses simples de la vie quotidienne derrière lesquelles se cachent de terribles souffrances, l'isolement des lieux et la solitude d'une femme. Avec ses mots ciselés, elle nous raconte les secrets enfouis, un texte court mais à l'écriture précise qui nous touche au plus profond de nous. Un petit bijou donc à lire tout doucement pour bien en apprécier toute la puissance.
Créée
le 30 janv. 2023
Critique lue 270 fois
3 j'aime
1 commentaire
D'autres avis sur Les Sources
Dans trois semaines, elle aura trente ans, trente ans, trois enfants, une belle ferme, une grande maison, un vacher, un commis, une bonne. Il crie qu'il est seul pour tout faire, qu'elle est un...
le 30 janv. 2023
3 j'aime
1
J’avais beaucoup aimé son précédent roman, "Histoire du fils". Je viens de lire celui-ci et j’ai été séduit à nouveau. Ce que j’apprécie chez cette romancière, c’est son art de distiller doucement,...
Par
le 7 juin 2023
2 j'aime
J’ai connu Marie-Hélène Lafon avec « L’Annonce » (prix des libraires en 2010) et son écriture m’avait immédiatement séduite. Et à en relire rapidement quelques pages, je trouve que cette écriture...
Par
le 27 févr. 2023
2 j'aime
1
Du même critique
Prendre le temps nécessaire pour rédiger cette chronique. Choisir les mots, relire les phrases pour être certain de bien faire ressortir toutes les émotions ressenties à la lecture de ce roman à la...
le 11 janv. 2021
11 j'aime
1
An de grâce 1882, les cloches de New York annoncent la nouvelle année. La famille du juge Stallworth décide de lutter contre la dégénérescence morale de cette ville : salles de jeux clandestines,...
le 30 août 2023
8 j'aime
Le récit commence le jour où Louis Pelletier entouré de sa femme et de ses quatre enfants célèbre la réussite de sa savonnerie, un des fleurons de l'industrie libanaise. de mars à octobre 1948, de...
le 14 févr. 2022
7 j'aime