Les Travaux d'Hercule par Messiaenique
Bien que n'étant pas un lecteur assidu, j'ai toujours aimé les histoires bien écrites, celles qui ont le génie du bon divertissement. Dans le roman français, mon référent serait Alexandre Dumas père ; pour ce qui est de la littérature anglaise, Agatha Christie dame le pion à tout autre prétendant. Non pas par amour invétéré des nouvelles policières, mais parce que son humour, sa créativité et son sens inné du coup de théâtre la placent parmi les lectures les plus agréables. Si les cinéphiles retiennent le sublime Témoin à charge filmé par Otto Preminger – avec Charles Laughton et Marlene Dietrich, excusez du peu – les amateurs de mythologie comme moi (depuis tout petit !) sont forcément intrigués par les aventures du détective Hercule Poirot réalisant ses douze travaux.
Publiés sous forme de nouvelles mensuelles à partir de novembre 1939, Agatha Christie publie Les Travaux d'Hercule sous forme de recueil dès 1947, donnant l'occasion à de nombreux lecteurs de découvrir avec bonheur cette version belge des légendaires travaux de son homologue grec. La symbolique est souvent « spirituelle » dans le sens « humoristique » du terme, le détective décidant de son plein gré d'affronter douze énigmes qu'il met lui-même en relation avec les épreuves mythologiques. C'est avec un plaisir non dissimulé que l'on revisite ces exploits légendaires, comme on a pu revisiter la chanson des Dix petits nègres.
Qu'il s'agisse de résoudre le mystère de la disparition d'un pékinois dans Le Lion de Némée ou de faire taire les commérages dans L'Hydre de Lerne, ou de faire face au danger dans des affaires plus sérieuses comme face à un criminel forcené dans Le Sanglier d'Érymanthe, la dame de lettres britannique parvient toujours à créer un lien avec la mythologie grecque, avec plus ou moins de finesse. L'histoire du vol de tableau entourant La Ceinture d'Hyppolyte, par exemple, semble un peu tirée par les cheveux. Agatha Christie parvient néanmoins à nous arracher des interrogations et des sourires dans l'ensemble de ces nouvelles par des petites réflexions toujours bien placées.
Outre la différence de qualité entre les nouvelles, ce recueil a pourtant une vraie faiblesse. Contrairement à des aventures comme Le Crime de l'Orient-Express ou Les vacances d'Hercule Poirot, ce recueil ne laisse pas au lecteur le temps d'agiter ses « petites cellules grises ». Un défaut imputable au format de la nouvelle qui suppose parfois des indices gros comme une maison ; à mi-parcours, les habitués devinent déjà la résolution de l'intrigue. Reste cependant le plaisir de lecture, intact. Si Les travaux d'Hercule ne font décidément pas partie des best-sellers de Poirot, l'imagination fertile de sa créatrice rend très singulier ce recueil de petites aventures.
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