La Lettre sur la tolérance a pour objet les rapports entre le pouvoir politique avec la conscience, dans un siècle animé par les guerres de religions. Le message de John Locke est que la conscience individuelle ne regarde pas les pouvoirs publics. Il expose sa conception du rôle de l'État et du rôle de l'Église, insiste sur leurs différences en soulignant notamment la différence entre le temporel et le spirituel.
L'un des principaux arguments de Locke est que, de toute façon, on ne peut pas changer l'opinion des gens par la force ou la violence. La conscience est une affaire intérieure, et seuls l'argumentation ou la persuasion peuvent faire changer les gens. (Bastiat développera plus tard une argumentation analogue dans La Loi :
il m'est tout à fait impossible de séparer le mot fraternité du mot volontaire. Il m'est tout à fait impossible de concevoir la Fraternité légalement forcée, sans que la Liberté soit légalement détruite, et la Justice légalement foulée aux pieds.
On retrouvera également ce thème dans le film Orange mécanique lors du fameux plaidoyer du prêtre de la prison sur le choix moral. Locke fait remarquer que l'usage de la force sur la conscience étant vain, il s'agit plutôt d'un prétexte pour justifier les appétits de domination des uns sur les autres.
La Lettre sur la tolérance est considéré comme le premier écrit libéral. Il y avait certes d'autres textes avant celui-ci qui contenait en germe l'esprit libéral (Les écrits de John Milton sur la liberté de la presse, le Discours de la servitude volontaire de La Boétie...) mais aucun ne posait aussi clairement que le rôle de l'État n'est pas autre chose que de protéger la vie, la liberté et la propriété des citoyens. Ces arguments seront évidemment développés de façon plus conséquente dans son fameux Traité de gouvernement civil.
Si le texte a vieilli sur certains points (d'aucuns reprochent notamment de Locke de ne pas appliquer son principe de tolérance aux athées) je pense qu'il faut le voir comme étant un progrès décisif dans un cadre historique donné. De plus, la conception que Locke développe de l'État et la plupart des arguments qu'il avance sont encore pleinement valides aujourd'hui. Certains d'entres eux sont spécifiques au sujet religieux, mais d'autres sont universels : tout ce qui concerne la religion dans le texte peut aujourd'hui être appliqué aux "religions" contemporaines qui prônent des méthodes de force et de terreur pour imposer la solidarité, l'antiracisme, l'anticléricalisme, l'interdiction de certaines opinions, etc.
La Lettre sur la tolérance est à la fois un texte sur la laïcité, mais aussi un texte sur la tolérance en général. Et le sens de celle-ci, c'est précisément de pouvoir admettre que des opinions contraires aux vôtres puissent s'exprimer. D'aucun, aujourd'hui, feraient bien de s'en inspirer. Jean-François Revel l'avait très bien résumé en une phrase :
La tolérance n'est point l'indifférence, elle n'est point de s'abstenir d'exprimer sa pensée pour éviter de contredire autrui, elle est le scrupule moral qui se refuse à l'usage de toute autre arme que l'expression de la pensée.