Veille de la St Jean, Jack Mustaine tombe en panne au fin fond la Louisiane, près d’un bled appelé Graal.
Un patelin où la rationalité n’a pas court et qui accumule les clichés : des vieux à bretelle sur des bancs écoutent, un air de Slide guitare qui parcours les rues a moitié deserte, les vitrines tellement sale qu’on ne voit pas l’intérieur des boutiques, des voitures qui pourrissent dans la chaleur moite…
Jack, bluesman chevelu se fait évidemment rapidement emmerdé par le flic du coin. Sauvé par Joe Dill, personnalité locale.il découvre Le bon chance, le bar de Graal et épicentre de la vie sociale.
Là Jack rencontre Vida, reine du Solstice. Il tombe radicalement amoureux et pour lui commence alors de sérieuses emmerdes. Il va découvrir, sans y croire vraiment, jusqu’a ce qu’il soit trop tard, que le village a passé un pacte avec le Bonhomme Gris il y’a fort longtemps et que le destin des reines du solstice a tendance à être tragique.
Si le roman démarre sur une série de clichés du fantastique – une panne de voiture, un patelin peuplé de redneck, un bluesman qui attire les ennuis – permettant de lancer le récit, l’auteur arrive rapidement à en jouer pour donner une orientation personnelle et très, très noire à son récit..
Lucius Shepard sait poser une ambiance en quelques mots : les nuits brumeuses où les ombres des cyprès prennent des formes inquiétantes, la moiteur et la décrépitude de Graal, une angoissante cabane perdue au milieu des marais, une incroyable fête rappelant le Saigon des GI’s,..tout cela est merveilleusement retranscrit et prend vie en quelques lignes. Sans forcer on sent la petite odeur de pourriture qui monte des marais de Louisiane.
Le portrait des habitants de Graal, des beaufs inquiétant est également une réussite. On a envie que Jack se tire de là avant que cela ne finisse comme dans Délivrance de John Boorman. Les personnages principaux sont eux forts attachants, bien campés et s’éloignent peu à peu des clichés du début, le bluesmen maudit et la femme fatale.
Louisiana Breakdown est aussi imprégné d’une sensualité assez rare, sensualité qui explose pendant quelques scènes de sexe bien menées. Fait rarissime en littérature, Shepard réussit à écrire des scènes admirables sur un sujet où même les plus grands échouent . Car si il est facile de déclencher des érections avec ce genre de scène, il est beaucoup plus difficile d’émouvoir, de communiquer la passion des protagonistes et de construire des scènes érotiques qui apportent quelques chose à la narration. Shepard réussit cet exploit.
On trouve également un ou deux passages sur la musique, encore un sujet ingrat en littérature, qui sont ici tout à fait convaincants.
La novella – court roman ou longue nouvelle – est assez peu populaire dans nos contrées. Il faut dire l’exercice n’est pas facile et que rare sont les écrivains a réussir à l’exploiter pleinement. Dommage car quand c’est reussi on a souvent de très bons textes, court, dense et intense.
C’est exactement le cas ici. Louisiana Breakdown est très réussi, prenant, inquiétant, émouvant et magnifiquement écrit et traduit. C’est aussi une très belle histoire d’amour.
Le genre de roman que l’on lis en une poignée d’heure mais assez fort pour vous occuper l’esprit bien plus longtemps.