Lucie ou la déception
L'idée originale du livre, essayer d'explorer le choix de Lucie, une jeune fille "moderne" qui entre dans les ordres, était assez prometteuse, de même que le parallèle initial (mais à peine effleuré)...
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le 29 janv. 2019
L'idée originale du livre, essayer d'explorer le choix de Lucie, une jeune fille "moderne" qui entre dans les ordres, était assez prometteuse, de même que le parallèle initial (mais à peine effleuré) entre le monde de la classe préparatoire et celui du couvent. Seuleument, très vite, nous voilà embarqués dans une sorte de parodie contemporaine de La Religieuse de Diderot. Le parti-pris anti-clérical de l'auteur est flagrant ; cela passerait bien s'il s'agissait de parler de religion comme le fait Diderot, mais Maëlle Guillaud vise plus haut : elle veut clairement dépeindre la foi. Et là... ah que c'est fade !
Maëlle Guillaud passe l'essentiel de son texte à attaquer l'Eglise catholique, qu'elle voit comme une espèce de mafia qui applique des stratégies sectaires des plus fantaisistes, pour séquestrer ses malheureuses victimes jusqu'à les pervertir. Résultat : l'auteur se révèle incapable de toucher, même de loin, aux raisons intimes qui peuvent pousser des jeunes (ou moins jeunes) à faire des choix aussi radicaux, même de nos jours. Il paraît que le roman est "basé sur des faits réels"... J'avoue n'avoir jamais fait l'expérience de la clôture monastique (Dieu m'en garde !), mais il me semble que le romanesque le plus sauvage l'emporte ici sur tout éventuel documentaire sur la vie consacrée : rien de mal là-dedans... on est dans un roman (qu'on y se trompe pas, vous l'aurez compris).
Passons alors au protagoniste : la jeune Lucie est un personnage aussi dénué d'intérêt que de jugement, ce qui, pour une ex-khâgneuse à Henri IV est quand même assez improbable (mais on sent ici quelque frustration personnelle de l'auteur à propos des classes prépa littéraires). Sa foi bornée, associée à une ignorance théologique des moins vraisemblables, se résume à "Je souffre parce que Dieu le veut, mais Il m'aime, donc ça va aller" (je paraphrase ici l'ensemble des passages, très pénibles à lire, où le lecteur accède aux pensées de la jeune femme). Cette "foi" donc, résiste d'abord à toutes épreuves, ce qui semble être dû ou bien à l'intercession miraculeuse de l'esprit saint, ou bien à une anormale stupidité. Et c'est surement sur cette dernière hypothèse que se situe inconsciemment l'auteur, même si elle prétend le contraire (dans une interview où elle explique que le message de son livre est la tolérance envers ceux que l'on ne comprend pas) : tolérer pour mieux discréditer, voilà qui ravira certains de ces athées sûrs d'être intellectuellement supérieurs à tous les faibles d'esprit qui ont manqué le train de l'évolution et qui croient en un dieu comme un enfant croirait au Père Noël. Cette dernière démonstration nous est assurée par le personnage de la bonne Juliette, dont le monologue intérieur en italique s'intercale aux chapitres sur la vie au couvent. Juliette ne comprend pas le choix de Lucie, mais ne cesse d'être son amie dévouée, même après dix ans passés à se faire claquer la porte du couvent au nez.
La fin du roman
correspond la fin de cette foi infantile et masochiste, en même temps que la fin de la possibilité de toute autre foi. C'est une bien triste maturité que nous suggère l'ouverture : irrémédiablement pervertie, la nouvelle "soeur Marie-Lucie", de victime devenant bourreau, sera alors sans foi ni loi (si j'ose dire).
Je dois cependant dire que la forme que prend l'intrigue, un peu sur le mode du thriller psychologique avec quelques rebondissements, est assez bien menée et - couplée à un tel thème - originale. L'écriture simple, laconique et la concision du roman le rendent très accessible, point positif pour ceux qui aimeront le livre comme pour ceux qui seront pressés de le finir. Ce style sans prétention reflète cependant dans la forme le peu de moyens qui sont mis au service de l'ambition de l'auteur dans le fond.
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le 29 janv. 2019
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