Mad Movies est la seule revue de cinéma que j'achète et que je lis encore régulièrement et ceci depuis plus de 25 ans. La revue consacrée aux films fous compte parmi les mamelles nourricières de mon amour indéfectible pour le cinéma de genre mais elle a sans aucun doute de par sa liberté de ton, son humour et sa complicité avec son lectorat forgée aussi le plaisir d'écrire et de partager cette passion pour un cinéma différent. Je ne pouvais que me plonger avec délice et nostalgie dans cette ouvrage dans lequel Jean Pierre Putters , fondateur de la revue, revient sur une vie entière vouée à ce magazine un peu à part et à l'amour et la défense d'un cinéma pas toujours respecté à sa juste valeur. Notre brave Tonton Mad vient nous raconter la singulière histoire d'une revue qui aura marquée toute une génération, alors forcément on l'écoute avec attention.
Dans Mad Movies , Mad ... ma Vie !, Jean Pierre Putters se raconte et par extension il raconte l'évolution de la société, de la presse, du cinéma de genre, des salles de quartiers, des festivals avec une certaine nostalgie mais sans pour autant se perdre dans la sempiternelle ritournelle du c'était mieux avant. Cet autodidacte et passionné revient sur son enfance, ses premiers boulots de pâtissier ou libraire et bien sûr très largement sur l'aventure d'un petit fanzine amateur qui allait devenir une référence de la presse cinéma spécialisé. On retrouve avec un immense bonheur le style JPP avec cet humour potache et bon enfant omniprésent, ses aspects militants et anarchisants et cette écriture qui semble à nos yeux aussi familière qu'à l'écoute d'un vieil ami vous racontant ses bons souvenirs. Dans cette ouvrage Jean Pierre Putters revient par le menu et avec de nombreuses anecdotes sur les 130 premiers numéros de Mad Movies soit 29 ans de bons et loyaux services avant qu'il ne quitte la rédaction du magazine. En plus d'une courte chronique sur les 130 numéros on retrouve des chapitres traitant du monde des fanzines, des nombreuses salles de quartier et librairies disparues, du festival du film super 8, du courrier des lecteurs et bien d'autres choses encore. Jean Pierre Putters ouvre aussi les pages de son ouvrage à de nombreuses plumes ayant collaboré à Mad Movies comme Fausto Fasulo, Didier Allouch, Marc Toullect, Vincent Guineberg, François Cognard, Damien Granger et beaucoup d'autres.... On pourras toujours regretté l'absence de certaines personnalité comme Yannick Dahan ou Rafik Djoumi mais rien de vraiment préjudiciable à l'ensemble du bouquin.
Mad Movies, Mad... ma vie ! donne surtout envie de se replonger très vite dans d'anciens numéros pour retrouver cette sensation si unique que pouvait procurer le magazine lorsqu'il était vraiment une alternative frondeuse et rebelle à un cinéma jugé plus traditionnel. Avant de remporter des Oscars ou d'être célébrer par tous Peter Jackson, Sam Raimi, James Cameron et tant d'autres ne trouvaient un soutien massif et franc que dans Mad Movies et c'était tellement bon de participer à l'apologie de cette contre culture devenue depuis mainstream. Si j'apprécie toujours autant lire Mad Movies j'avoue avoir une immense affection et nostalgie pour toute cette sainte période durant laquelle le magazine était plus bordélique, plus anarchique, plus dôle et provocateur. On retrouve un peu de tout ça dans le livre de Jean Pierre Putters et c'est très rafraichissant de lire à nouveau des jeux de mots bien foireux et célébrer cette passion vibrante à travers une multitude d'anecdotes hilarantes sur l'histoire du magazine comme ce facteur portant une lettre à Madame Movies ou Christophe Lemaire se faisant payer avec des chèques sans ordres de la librairie Movie 2000. Honnête , sincère et droit JPP revient sur le couac de l'interview de Jean Marie le Pen dans le numéro 64 et son départ précipité du magazine. Visiblement soucieux de n'oublier personne dans l'aventure Jean Pierre Putters cite beaucoup de monde tout au long du livre, parfois même un peu trop de choses et de personnalités ce qui donne l'impression de lire quelquefois un long index de références. Mais voilà bien le seul petit reproche que je ferais à ce bouquin qui m'aura permis de retrouver sur 220 pages la plume acide, drôle , pertinente, virulente, passionnante et passionnée de l'ami JPP.
Au delà même de ce bouquin très agréable à lire, je me dois donc de remercier Jean Pierre Putters qui m'aura grandement ouvert à l'amour de tous les cinémas du plus respectablement institutionnalisé aux plus obscures des séries Z dégénérées tout en forgeant sans même le savoir à l'époque le plaisir d'écrire et de partager le plus simplement du monde comme on parle à un ami avec qui l'on souhaite transmettre sa passion.