Un Maigret grippé
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Maigret est appelé pour enquêter sur l'assassinat, en pleine rue, d'un « gros bourgeois », un richissime marchand de vin, Oscar Chabut. Et Simenon en profite pour faire un roman qui réunit tout ce que l'on aime chez lui.
D'abord, un roman de personnages. Car, chez Simenon, tout tourne autour des personnages, et l'intrigue découle logiquement de leur psychologie. Voilà pourquoi l'auteur prend son temps pour dresser leur portrait et leur caractère.
En gros, sous cette optique, le roman pourrait se diviser en deux parties complémentaires : d'abord savoir qui est la victime, quel était son caractère, quelle était sa personnalité, puis, partant de là, dresser le portrait potentiel de l'assassin.
Or, ici, Maigret est confronté à un double problème. Le premier est d'ordre physique ; le commissaire est malade. La météo de ce mois de décembre lui est fatale (à moins, comme il l'évoque lui-même, que cette maladie ne soit une image symbolique de cette enquête où il semble avancer dans la brume).
Le second problème est lié à la psychologie de la victime. Chabut était une enflure, au point qu'il même rejeté par son propre père. Requin du monde des affaires, il ne doit sa fortune qu'à l'écrasement, conscient ou non, de ses concurrents, mais aussi de ses collaborateurs. Et ce n'est pas le pire : le bonhomme est atteint d'une sorte de don-juanisme qui l'obligeait presque à collectionner les conquêtes féminines non pas pour elles-mêmes, mais comme un gage de supériorité.
Dans ce couple Chabut, très libre, puisque la femme connaît parfaitement les innombrables maîtresses de son mari (et les époux aussi savent qu'Oscar est l'amant), et qu'elle-même ne se cache pas d'avoir des amants, il est facile de voir l'oeil critique de Simenon sur son époque. Le roman est écrit en 1969, époque de la « libération sexuelle »... Mais, d'un autre côté, Simenon lui-même se vantait d'avoir collectionné des milliers de conquêtes féminines...
De fait, le portrait de Chabut est loin d'être entièrement négatif. La maîtresse principale, qui est aussi sa secrétaire, dresse un portrait plutôt ambigu de son patron et amant, tantôt brutal et méprisant, tantôt tendre et sympathique.
Comme d'habitude, le récit file à toute vitesse. Et cela grâce à cette science du dialogue si typique de Simenon, le roman n'est jamais statique.
La narration, bien que discrète, n'en est pas moins remarquable. Simenon n'a pas son pareil pour implanter une ambiance en jouant sur les décors urbains et la météo.
En bref, un très bon épisode de Maigret.
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Voyage littéraire en 2018
Créée
le 16 juil. 2018
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