Marcher c'est le propre de la vie, aptitude au mouvement naturel du déplacement. Exercice physique «banal» et pourtant nous reliant à des multiples variantes de l'acte de la marche. «Marche et invente ta vie» c'est un livre de Bernard Ollivier, sur une certaine façon de marcher... Le récit de jeunes qui ont marché avec l'Association Seuil. 2000 km à pied pour tenter de se reconstruire!
Dans ce livre, Bernard Ollivier donne la parole à quatorze garçons et filles, anciens marcheurs avec l'Association Seuil. Persuadé des effets bénéfiques de la marche, Bernard Ollivier anime depuis plus de quinze ans l'Association qu'il a crée avec l'objectif d'accueillir, par la marche, des mineurs confiés par un Juge des Enfants, dans le cadre civil ou pénal, (parfois comme alternative à la prison).
Le principe c'est une marche, d'environ 2000 km, trois mois, où un jeune et un accompagnant parcourent sac à dos, des sentiers de randonnée, notamment le chemin de St Jacques. Par cette «démarche», un jeune se confronte à l'effort physique mais aussi à la rencontre de l'Autre et de soi-même.
Comme dans toute action éducative, la question se pose du lendemain, et après le retour que se passe-t-il? C'est cela que Bernard Ollivier aborde dans son livre en écoutant ces jeunes.
Une constante à partir de leurs dires, l'autonomie acquise, un regain de confiance en soi, la fierté d'avoir accompli un acte peu commun, de se prouver et prouver aux autres des nouvelles compétences. Et un sentiment diffus, pas toujours très affirmé mais comme une «force intérieur» qui semble faire son chemin, à des rythmes différents et des circonstances diverses, la sensation que quelque chose est à l’œuvre pour soi. On peut dire que seul le jeune saura, le moment venu, tirer une conclusion qu'on devine, parfois confusément, en train d'élaboration.
Au delà de l'intérêt du récit, enrichi par les qualités de conteur de Bernard Ollivier, qui sait bien nous faire partager ces bribes d'histoires de vie, ce livre lance plusieurs pistes de réflexion.
Aussi bien dans le cadre de la justice que de l'action éducative. C'est une ouverture à des réponses alternatives qui ne sont pas des recettes arrêtées, mais des propositions à la recherche et à la créativité dans l'accompagnement d'adolescents en difficulté. Ceci soulève aussi la question de l'alternative à la prison, de la méthode qui pourrait permettre d'observer et regarder autrement, face à l'enfermement des mineurs et jeunes adultes. On peut aussi évoquer la place de l'école et le rôle qu'elle joue ou pas dans l'ouverture et la curiosité de ses élèves: "Qu'as-tu appris à l'école aujourd'hui mon fils, à l'école aujourd'hui"...
Cette expérience vient surtout questionner notre propre capacité à entendre autrement ces jeunes et leurs familles en précarité et stigmatisés.
On sait l'importance de la marche. Et les spécialistes insistent sur les bénéfices de la marche régulière, on le dit d'ailleurs et je le défends, c'est une question de santé publique. Même si c'est un peu cela, ici ce sont surtout les effets personnels, intimes, intérieurs, qu'une expérience comme celle-là permet de vivre à ces jeunes qui traversent une phase difficile ou qui seraient à la recherche d'un «autre chemin». David Le Breton, auteur de l’Éloge de la Marche, le dit bien mieux: «Bien entendu le marcheur ne voit que ce qui était déjà en lui, mais il lui fallait ces conditions de disponibilité pour ouvrir les yeux et accéder à d’autres couches du réel».
C'est donc une opportunité, en lisant et diffusant ce livre, de soutenir cette action de Seuil. Les droits d'auteur de Bernard Ollivier sont reversés à l'Association pour aider à financer son action (le prix de journée de la PJJ -justice- et de l'ASE -aide sociale à l'enfance- étant en deçà des frais de chaque marche).