Décevant!
Avec un auteur professeur de sociologie, je m'attendais à une étude sur ces marcheurs qui parcourent les chemins et célèbrent la lenteur. Cet ouvrage est plutôt une collection de réflexions sur la...
le 26 sept. 2015
Notre 'mobilité' a besoin d'être réactivée. On peut se remettre en marche, voyager, non pour aller ci ou là, mais voyager pour marcher, pour arpenter le monde avec nos pas, dans la lenteur et la diversité de nos chemins. La terre nous est donnée par la plante des pieds, disait Nicolas Bouvier. Et dans son livre 'Marcher, éloge des chemins et de la lenteur', David Le Breton ne cesse de nous inviter à faire ce pas... et tous ceux qui suivront.
David Le Breton est professeur de sociologie à l'Université de Strasbourg. Il réinterroge ici l'appel à la marche, à la mise en mouvement de l'homme qui, de tout temps, a jusqu'ici appréhendé le monde et le plus profond de lui-même au moyen de ses pieds et de sa disponibilité d'esprit à la découverte, l'émerveillement, le dépassement de lui-même et les richesses des compagnonnages forgés au gré des chemins parcourus. A l'heure où l'homme quitte son lit pour s'asseoir dans sa voiture, puis au bureau avant de reprendre la même position pour une soirée de télévision avant que de se recoucher, le danger est grand de figer ses pieds, ses jambes dans une immobilité appauvrissante pour le corps et tout autant l'esprit.
En citant de nombreux auteurs (trop peut-être?) de tous les temps, de tous les lieux, David Le Breton souligne combien tout paysage peut être source de surgissement de sérénité chez qui accepte de s'ouvrir à la beauté des lieux, à l'intensité du paysage qui donne à l'homme de pauser un regard sur le monde donnant à ce dernier la possibilité de l'impressionner à vie! Quand l'homme s'ouvre aux chemins qu'il parcourt, il expérimente la subtilité de la lumière, l'épaisseur du silence qu'il écoute et la 'tactilité' de son corps qui peut vibrer de tous ses sens en harmonie avec le plus profond de lui-même et la splendeur de la Terre.
Sans oublier que la marche, lorsqu'elle n'est qu'errance, soif seulement d'un lendemain un tant soit peu plus digne, espoir d'un avenir préservé de toutes les atrocités que provoquent les calamités naturelles ou politiques... sans oublier donc cette marche funeste qui doit mériter notre respect, notre compassion et notre attention, l'auteur nous interpelle à propos de la marche qui nous permet de redécouvrir ce patrimoine terrestre que nous devons léguer dans le meilleur état possible aux générations futures. Il nous dit sa profonde croyance que la marche est, fondamentalement, un moyen pour l'homme de se retrouver, de se réapproprier le temps qui n'est plus, dans l'urgence, 'celui scandé par les tâches du jour et des habitudes, mais un temps qui s'étire, flâne, se détache de l'horloge' ... et de la course après le Temps pour s'immerger dans la lenteur et la richesse des découvertes à cueillir au long des sentiers parcourus.
J'ai aimé ce livre, m'y suis revu du temps où j'étais, moi aussi, un bon marcheur, randonneur dans la montagne, en forêts ou le long des côtes accablées de soleil ou soufflées par les vents de tempête. Jeunes, mes chiens m'ont souvent emmené en courses naturelles, vieux, c'est moi qui les ai entraînés sur ces chemins. Jusqu'au bout pour eux. Ils sont morts, depuis. Et moi? Suis-je encore capable de rêver de marches, de longues promenades, de randonnées ou sorties en montagne? Cette question, citant Pierre Sansot, David Le Breton n'oublie pas de se la poser: "Avec les ans, je me ménagerai des pauses. Je réapprendrai à mettre un pied devant l'autre. J'endosserai ou non une écharpe selon l'humeur du ciel. Je reprendrai souffle d'un banc à l'autre. Plus tard, j'atteindrai un premier banc et je ne poursuivrai pas l'aventure. Plus tard encore je demeurerai dans mon appartement. J'accompagnerai du regard des gamins en état d'arpenter la chaussée." ...
Lire 'Marcher, éloge des chemins et de la lenteur, c'est avec David Le Breton choisir de privilégier la qualité de l'instant randonné plutôt que la quantité de courses folles après tout et souvent n'importe quoi. Même en ne marchant plus autant, on peut, l'auteur le souligne dans son chapitre 'marcher en ville', diminuer l'intérêt du trajet pour amplifier celui de la déambulation, observant les passants comme les détails des façades à la recherche de tout signe de vie heureuse dans le seul but d'éblouir l'instant. Le flâneur est l'artiste de la ville qui décline sous ses yeux les différentes strates de son histoire et la rend présente au Temps. Merci à l'amie qui m'a offert le titre de ce livre à lire!
Créée
le 17 août 2017
Critique lue 352 fois
3 j'aime
D'autres avis sur Marcher : Eloge des chemins et de la lenteur
Avec un auteur professeur de sociologie, je m'attendais à une étude sur ces marcheurs qui parcourent les chemins et célèbrent la lenteur. Cet ouvrage est plutôt une collection de réflexions sur la...
le 26 sept. 2015
Du même critique
La chevauchée tragique de la Mort qui pousse à vivre. La Mort qui s’approche, s’accroche, fait peur, étouffe, éloigne, rapproche. La Mort qui force Charlotte Salomon, juive allemande, à devenir sa...
le 20 nov. 2014
18 j'aime
4
À travers « L’AMOUR ET LES FORÊTS », paru chez Gallimard en 2014, je découvre l’auteur Éric REINHART. Belle découverte ! Bénédicte Ombredanne est une lectrice de cet auteur. Ayant apprécié son...
le 27 févr. 2015
17 j'aime
4
« L’art de perdre » écrit par Alice ZENITER est la troublante histoire du silence de deux nations conduisant à la perte de paroles, donc de mémoire, de trois générations, celles d’Ali, Hamid et...
le 7 nov. 2017
14 j'aime