Marilyn la Dingue est le premier opus de la geste Isaac Sidel (composée de six tomes). J'avoue que je n'ai jamais su comment prendre cette œuvre. Main gauche ? Main droite ? Nan, j'déconne !
Plus sérieusement, je n'ai jamais su si je devais considérer Marilyn la Dingue (et les épisodes suivants) comme un polar, qu'il soit traditionnel ou contemporain. Charyn s'éloigne, se rapproche, de l'un et de l'autre, ne prenant que ce qui l'intéresse ou lui semble pertinent pour son écriture.
Je m'explique : le polar est un genre précis et codé. Il ne peut avoir d'autre cadre que celui d'une ville. C'est un genre urbain par définition. Et l'intrigue n'est que prétexte à enquêter sur "l'assassinat" de la ville. Le polar a évolué et l'image de la ville avec. D'un rejet de l'urbain, nous sommes passés peu à peu, avec le polar contemporain, à son acceptation totale. Par conséquent, à la fin du genre*.
Chez Charyn, bien que l'action se situe à New York, la thématique traditionnelle de la ville à révéler est absente. Il n'y a plus de secret urbain, il n'y a plus que la ville. Par ailleurs, auteur et ville forment souvent un couple (Chandler et Los Angeles, Hammet et San Francisco, Malet et Paris...). Or, Charyn se désolidarise littéralement de New York : elle n'est jamais perçue qu'à travers ses personnages.
Dans le polar traditionnel, l'intrigue policière est essentielle, car prétexte à enquêter sur l'assassinat de la ville. Elle est, chez Charyn, reléguée au second plan. En effet, il désamorce l'action, ôte tout suspense à l'intrigue policière, qui finit par s'éliminer d'elle-même, en révélant l'identité des trois membres du "Gang des sucettes" à la page 102 (sur 247, collection Folio).
Charyn s'éloigne donc, thématiquement et techniquement, du polar traditionnel. Polar contemporain, alors ? Non plus. Car il fait fi de ce qui le caractérise : une écriture sèche, nerveuse, neutre. La sienne est alambiquée, voire baroque. De plus, la geste Isaac Sidel est indissociable de son auteur. Il accompagne le lecteur jusqu'à la dernière ligne, comme s'il ne pouvait se détacher de ses personnages. Le narrateur devient porte-parole.
Charyn construit, assemble, emprunte, jusqu'à faire un livre particulier, qui ne fait pas référence à des œuvres antérieures. Il dépasse les structures et limites du genre, plus qu'il ne s'y noie, comme il le prétend.
Voilà, je me suis sentie perdue avec lui, tout comme Gallimard : la geste a été publiée alternativement dans la collection Série Noire, puis Folio.
Charyn a toujours considéré Pennac comme son alter ego français, et réciproquement. Sauf que Pennac, j'en suis revenue aussi.
* Pour en savoir plus sur le polar, je vous recommande l'excellent Polarville de Jean-Noël Blanc, même s'il commence à dater un peu.