L'actualité sur Même si, en fin de compte, on devient évidemment soi-même

Assez frappé par la roublardise relative, même si elle ne se donne jamais comme telle et qu'elle découle évidemment de sa posture de journaliste, avec laquelle Lipsky profite de tout l'espace que Foster Wallace lui abandonne : je ne dis pas qu'il essaie de le buter ou de lui donner mauvaise mine mais il y a une volonté un peu triste et touchante de se rendre maître de la situation en « décryptant » son interlocuteur, qui en retour lui donne autant de corde qu'il demande parce qu'il essaie de lui...

Le truc le plus touchant dans le livre tient probablement à l'énergie que Foster Wallace met à représenter la relation comme un lien de confiance réciproque et d'amitié dans la mesure où on ne doute pas une demi-seconde qu'il sait très bien que les dés sont pipés par défaut sous le rapport aussi bien professionnel (l'autre l'interviewe et c'est son taff de le disséquer comme une grenouille dans un labo de SVT) que personnel (il y a une forme de révérence/jalousie qui ampute le quotient d'horizon...

Aussi : la cruauté presque innocente du moment où Lipsky surprend Foster Wallace en train de l'appeler « le mec » au téléphone après cinq jours de vie commune et la tristesse sous-jacente de constater qu'il s'est attaché à un type qui ne le lui rend que très peu, ou de manière générique, non spécifique, comme Jésus aime tout le monde juste parce que c'est son taff. Il y a bien sûr une forme de sociopathie douce dans la manière dont Foster Wallace aime (ou dit aimer) l'ensemble des êtres humains ...