J'avoue n'avoir lu de Modiano que les livres récents, post-prix Nobel et ceux-ci ne m'ont guère enchanté. Mais je reconnais que ce « Memory Lane », avec les années qui le séparent de la suprême consécration, a quelque chose de charmant et d'enivrant.
Le petit groupe d'amis est un sujet d'étude en soi et la loupe de Modiano vient en faire un portrait à la fois onirique et concret comme quand le songe a le goût du souvenir, que la nostalgie devient une promenade de santé, affranchie des dangers qui nous guettaient.
Tout dans « Memory Lane » relève de la mélancolie ensablée, fixée à jamais dans la douceur des grains de quartz. L'écriture de Modiano, limpide, noble et directe qui m'avait tant rebuté par son ennui trouve ici la pleine mesure de son expression. Avec cet opuscule, j'admets bien volontiers qu'il y a un maître insoupçonné, prompt à distiller quelques enseignements sur l'art scriptural.
Les personnages sont passionnants, tout droit sortis d'une œuvre posthume de Boris Vian. On les imagine entourés de jazz, de rires et de fumée. D'une insouciance presque criminelle, protégés par cette famille de substitution.
Pour conclure, une œuvre courte mais magistrale où les dessins de Pierre Le-Tan donnent des repères visuels qui canalisent notre imagination pour ne pas dire qu'ils la forgent.
Quoi de plus mystérieux que ce fameux « petit groupe » d'amis. Pourquoi certains y sont instantanément intégrés comme le héros et que d'autres , pourtant parfois demandeurs, n'en feront jamais partie. Une alchimie collective qu'il serait bien ardu d'analyser. Et ce livre est un hommage à tous ceux qui ont eu la joie, voire l'extase, d'appartenir à un moment de leur vie à un « petit groupe d'amis », d'y avoir été admis spontanément et sincèrement.
Samuel d'Halescourt