Qui fut Michel Foucault, on dirait que le biographe ne souhaite pas _vraiment_ l'écrire : le bonhomme avait l'anecdote biographique en horreur et toujours refusa le quadrillage des catégories normatives. Eribon oscille ainsi en permanence entre l'anecdote et la synthèse conceptuelle. Entre le biographe et, plus discrètement, le témoin privilégié. Le livre refermé, je me retrouve comme en supens. C'est, peut-être, un problème de forme : l'auteur ne parvient pas, à mon goût, à trouver celle qui eût donné de l'épaisseur au labyrinthe de son sujet - la diversité - étonnante - des visages de l'homme, son attachement à couper tout surplomb, à ne s'insérer dans les discours que depuis l'actualité de leur anastomose aux jeux de pouvoir. J'en sors donc en ayant l'impression d'être passé à côté d'une vie - sans être projeté vraiment - et donc douloureusement - sur le mur de son inassignabilité.
Cela dit, le livre a des qualités. S'il en profite - certes, cela m'agace un brin parfois - pour régler un certain nombre de comptes (sans le génie de la formule qu'avait son sujet), Didier Eribon sait se faire lire, et ses chapitres se parcourent avec plaisir. Plutôt sagement vulgarisé, les gestes philosophiques foucaldiens sont néanmoins illustrés de larges citations extraites des oeuvres et des interviews, permettant de s'en faire une idée du style et de la plasticité. La cohérence d'une pensée en croissance organique est également restituée à larges touches. Et le décours de l'existence publique témoigne de ce que put être le trajet typique/atypique d'une (très) grande figure d'intellectuel français.
Cela reste somme toute agréablement superficiel (à l'instar de cette critique), un premier point d'appui pour entrer dans l'oeuvre et en comprendre le foisonnement.