"Mon premier polar éthylique. Une fin qui demande à son lecteur quelques heures de dégrisement, tant il aura été étourdi, perturbé par les vapeurs d'alcools et les blessures de l'âme. Darrieux devient très vite attendrissant et l'on se surprend à avoir envie de le protéger. Bel ouvrage de Marin Ledun qui place son lecteur en position de rédempteur."
Quel frustration en terminant la lecture du livre, quand on découvre la vérité ! C'est peut être le moment où nous prenons véritablement conscience du fait que nous nous sommes à ce point identifié au personnage. Son quotidien état le notre, rythmé par le bruit répété du verre vide qui claque sur le zinc.
Nous ne parlerons pas de descente aux enfers pour lui, vu qu'il y erre déjà, mais plutôt d'une ballade en eaux troubles. Il avance dans un monde évolue vite autours de lui
C'est un bel exercice de style. Intéressant de voir comment l'auteur tisse son monde tout autours de son personnage, comment il lui donne vie et comment il nous le révèle.
C'est aussi à cette occasion que l'on découvre, dans les histoires de Ledun, Lehanne, de Fitzek et de Mayeras, l'importance de ce qui va devenir un personnage à part entière : l'univers dans lequel le lecteur et les personnages vont évoluer. Un univers que l'auteur nous suggère et qu'il anime autours de son personnage principal. Ce qui lie lecteurs et héros dans une spirale infernale. Darrieux en découvre les limites et les contours, gorgées après gorgées.
On se surprendra à de multiples reprises à vouloir faire comme Catherine : sauver cet homme qui se noie petit à petit. Élan que l'on peut donc comparer à celui du lecteur qui va très vite avoir envie de protéger Eric. Peut être que c'est elle la véritable héroïne du livre ... (comme dans Marketing Viral, la femme à son importance dans l'histoire). C'est difficile à dire mais il semble que Marin Ledun arrive avec subtilité à laisser planer un parfum de femme dans cette histoire. Dans la sensibilité, la réflexion, les descriptions, il parvient à maintenir dans les parages de son héros, une sorte d'aura de douceur.
Catherine est à la fois une mère, une collègue, une maitresse, une infirmière qui pense les plaies. Elle écoute, elle réconforte, elle pardonne, elle insiste, elle accepte, elle affronte, elle est vivante. Elle est en quelque sorte l'ange gardien d'Eric. Elle est ce qui l'ancre dans la réalité, via un quelconque cordon (l'amour ?) qui va permettre à l'âme d'Eric de ne pas se désagréger dans l'éther.
En opposition avec ce dernier qui se tue à petit feu, qui se détruit de l'intérieur. Il attise un feu permanent qui brule en lui depuis de longues années. Il vit en permanence avec cette sensation de brulure qui lui mord les viscères et lui grignote le cerveau. Il est une sorte de mort-vivant qui a oublié pourquoi il s'agrippe toujours autant à la vie. C'est le survivant de son monde dévasté. Il ne veut plus « revivre » mais il s'empêche de mourir. Il s'invente un « devenir » mais à cesser d'être.
Catherine et Eric sont les deux faces d'une même pièce, le yin et le yang, l'un qui veut remplir et l'autre qui veut vider. L'un qui se blesse et l'autre qui le soigne. Vraiment l'impression qu'elle le porte en elle, qu'elle veut le protéger du monde extérieur dans une matrice et le rassurer au simple contact de sa peau.
C'est peut être ce qu'incarne la femme dans les romans de Marin Ledun : une conscience rédemptrice ou salvatrice ?
Frédéric Fontès
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