Moi, Orson Welles par Cinemaniaque
C'est l'histoire d'un mec paradoxal, mais presque. L'histoire d'un génie maudit, d'un surdoué qui le sait, d'un faux modeste et d'un vrai talent. Face à lui : Peter Bogdanovich, cinéaste mais aussi (et surtout) cinéphile averti. C'est l'histoire de leur rencontre, et de l'un des meilleurs livres de cinéma de tous les temps.
Bien sûr, quand on évoque Welles, on pense forcément à 2-3 films comme Citizen Kane ou La soif du mal, à son ego surdimensionné et à son incapacité à faire des films au sein d'Hollywood. Tout ça, et bien plus encore, est balayé d'un revers de la main par ces rencontres intenses, où Welles se laisse aller à être lui-même.
Ce que dévoile ses pages, c'est un artiste blessé de n'avoir pas su gérer son image de cinéaste incontrôlable, d'un homme souffrant d'une image publique qui l'handicape. Welles est assurément paradoxal voir contradictoire, quand il déclare qu'il faut se concentrer sur les oeuvres et non les auteurs et, plus tard, de déclarer que tel film est intimement lié à lui-même... Bogdanovich, bien souvent, amène Welles à parler de tout et de rien, avec un tel brio que ça frise l'indécence : que Welles raconte la genèse de ses films, ses rencontres, ses considérations sur l'art ou ses secrets de fabrication de lumière, rien n'échappe à la plume de Bogdanovich qui, trait de génie, ne se laisse jamais dominer ou fasciner par son interlocuteur.
Il en résulte un ouvrage dense mais qui se dévore très rapidement, intelligent et non dénué d'humour, où l'un des plus grands représentants du septième art offre, sans doute sans le savoir, l'une des références absolues en matière de livre d'entretiens. Un ouvrage que tous les cinéphiles, journalistes et étudiants en cinéma devraient lire au moins une fois. Deux ce serait mieux.