Entre deux volumes de la saga "The Book of the New Sun" de Gene Wolfe, je me suis accordé une brève parenthèse avec un court roman d’Arnaud Cathrine qui trainait sur mon bureau depuis quelques jours. Le récit de "Mon Démon s’appelle Martin" tient en 94 pages que j’ai dévorées en une soirée et est résumé ainsi en quatrième de couverture :


"Damien fait des choses bizarres. Le dernier jour de la colo, il insiste pour faire un pacte de sang avec Arthur, alors qu’à priori, Arthur est un ami qui ne vaut pas un clou. Quand on fait des choses bizarres, en général, il y a une raison. Cela fait juste un an que Martin est mort. Il était le meilleur ami de Damien. Un an, c’est beaucoup. Les parents de Damien pensent que c’est suffisant pour oublier un peu, pour ne plus y penser. Mais ils se trompent, Damien n’oublie pas du tout. Pas une minute, pas une seconde. Il n’arrive pas à oublier Martin, l’absence de Martin, le fait que Martin soit mort. Surtout, Damien n’arrive à oublier ni sa propre douleur ni son propre sort."


C’est un très joli roman sur le deuil d’un adolescent qui a perdu son meilleur ami un an plus tôt. Le livre est court, moins de cent pages, et je n’ai pas forcément des millions de choses à dire dessus, sinon qu’il m’a suffisamment plu et touché pour que j’en parle ici. Le ton est naïf, comme le serait le récit d’un jeune garçon, mais certains passages jaillissent sont très forts. Je retiens particulièrement celui-ci, qui constitue un chapitre central du roman :


" Martin, je sais que tu m’entends.


Cette fois, c’est moi qui vais cogner.


Tu vois ce qui se passe ici ?


Mon amoureuse sort avec un plombier et mon ex-futur meilleur ami m’a lâché.


Ca non, je ne suis pas fier. Parce que c’est moi le problème, j’ai bien compris.


D’abord, il faut que je te dise une chose. Un meilleur ami, ça ne s’invente pas. Il y a très peu de meilleurs amis sur terre.


Alors dis-toi bien que je ne t’ai pas remplacé.


Pourquoi tu t’es jeté sous le camion ? Personne ne veut m’expliquer. Et puis, après l’enterrement n’était même pas passé que tes parents avaient déjà quitté le quartier. On ne les a jamais revus.


En vrai, je ne comprends pas. Avec moi, tu souriais toujours. Papa prétend que je n’ai pas d’humour mais toi, je te faisais rire. Alors fous-toi bien ça dans le crâne : tu n’avais aucune raison de faire ça.


Pourquoi je te dis ça ? Ca sert à rien, je sais. Mais ce soir, j’ai besoin de te dire quelque chose. Même n’importe quoi. Te dire que je t’en veux d’avoir fait ça. Te dire que je te comprends sans te comprendre. Te dire que je suis perdu.


Tu devais avoir des secrets, du silence qui pesait. Mais tu es parti avec. Sans rien dire.


En attendant, il faut trouver une solution, Martin. Me concernant, je veux dire. Parce que si tout le monde me fuit, c’est qu’y a une raison. Je crois que la raison, c’est toi.


Je dois pas me comporter comme un garçon normal, plein de vie. Je dois leur foutre les jetons à tous. Je dois avoir ton grand plongeon encastré sur le visage.


C’est pour ça que Juliette est partie avec Augustin. On peut pas aimer un type sinistre et geignard comme moi.


Et c’est pour ça aussi qu’Arthur s’est tiré sans moi ce soir.


Il faut que tu me délivres, Martin. Il faut que tu me laisses continuer seul. Que tu me laisses vivre avec ceux qui sont restés.


Tu es mon meilleur ami quand même, tu sais.


Je resterai, quoiqu’il arrive, le roi du quand même. "

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le 5 août 2014

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Zéro Janvier

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