Pourquoi les blanc.he.s devraient lire l’histoire de Rosa Parks

Son nom est une partie d’un mouvement social qui prend à peine une page dans les livres scolaires aujourd’hui. Derrière une anti-héroïne devenue symbole, Mon histoire réunit des archives de vies précieuses qui rappellent l’histoire d’une longue lutte collective pour les droits civiques aux États-Unis.

Pour cette autobiographie co-écrite en 1992 avec le journaliste noir américain Jim Haskins, beaucoup de critiques ont dit qu’elle parlait « simplement ». C’est peut-être dû à son passé de professeure des écoles, ou à sa mère, qui lui disait de rester toujours humble et discrète, ou encore à la patience de l’autrice pour expliquer les choses aux blanc.he.s.

Son histoire est aussi la nôtre

Avant de devenir l’icône militante qui a des écoles, des gares nommées après elle et avant d’avoir côtoyé toutes les plus grandes personnalités, Rosa Parks était une femme parmi tant d’autres. Elle n’est pas née pour lutter, ni une héroïne remplie d’une force extraordinaire. Elle honore largement ses amis militants dans son autobiographie, ces autres personnes qui se sont battues avant elle, mettant leur vie en danger. Ce sont des histoires complexes de gens qui se sont retrouvés à un endroit précis et qui ont su comment s’emparer du moment, prendre la bonne décision, ne pas reculer de peur, s’acharner jusqu’au bout. L’autrice raconte d’ailleurs qu’une dizaine d’années avant de refuser de céder sa place de bus à un blanc, elle avait été humiliée par le même conducteur. Elle se confie aussi sur les nombreuses menaces de morts et harcèlements qu’elle et sa famille ont subi. Son histoire de luttes acharnées et collectives est une source d’inspiration, et nous permet de mieux comprendre comment notre histoire a été faite, et comment faire l’histoire.

« Les menaces téléphoniques continuèrent après la décision de la Cour suprême et, pendant un temps, mon mari dormait avec un pistolet à portée de main »

Rosa Parks sait des choses qui ont été invisibilisées de l’Histoire

L’autrice offre un contexte inédit à l’épisode du bus de 1955. 12 ans plus tôt, elle était secrétaire de la NAACP[1] de Montgomery, ce qui lui a permis de témoigner de beaucoup de cas de discriminations raciales effacés des postes de police ; on peut penser à l’anecdote frappante du vendeur de pizza noir de 17 ans qui couchait avec une femme blanche consentante, qui lorsqu’on l’a découverte par la fenêtre, a crié au viol; le vendeur de pizza sera resté 3 ans en prison avant de subir une peine de mort.

Avoir le point de vue d’une femme noire dans les années 50 est très rare. Ce livre est parfait pour commencer à déconstruire les idées stéréotypées de nos entourages blancs qui pensent que les antiracistes sont des « séparatistes » [2] : l’autrice honore la tactique militante de la non-violence, plusieurs militant.e.s blanc.he.s antiracistes, et appelle à une harmonie sociale dans les luttes : “Il fallait que nous fassions changer les choses. Et il fallait que nous ayons de plus en plus de Blancs de notre côté pour y arriver ». Dans l’idéal, ces ami.e.s pourront ensuite lire d’autres ouvrages comme ceux d’Angela Davis avec calme. C’est important de se créer une histoire à multiple voix, pour que toutes et tous puissions arriver à vivre dans la dignité humaine. C’est l’Histoire que Rosa Parks veut voir enseignée chez les jeunes d’aujourd’hui. Ça nous concerne, et c’est toujours actuel, aux États-Unis comme dans le pays de l’égalité où « on ne voit pas les couleurs », ni les mauvais flics.

« Des lois abolissant la ségrégation sont entrées en vigueur, de grands progrès ont été accomplis. Mais le cœur de nombreux Blancs n’a pas encore été conquis. »

Pendant le 1er confinement, la maison d’édition Libertalia a offert gratuitement plein de livres en PDF sur son site dont celui-ci, le livre a été traduit en français seulement en 2018 par Julien Bordier. Pour le commander et soutenir cette librairie engagée dans les luttes sociales, cliquez ici : https://editionslibertalia.com/catalogue/poche/rosa-parks-mon

[1] National Association for the Advancement of Colored People (en français : association nationale pour la promotion des gens de couleur)

[2] Assassinés aux Etats-Unis, lynchés en France: qui nous protège de la police ?, Thiaba Bruni, Blog MediaPart, [Disponible en ligne le 08/12/2020] https://blogs.mediapart.fr/thiaba-bruni/blog/011220/assassines-aux-etats-unis-lynches-en-france-qui-nous-protege-de-la-police