Romancier a la mode
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Orhan PAMUK, depuis longtemps déjà, s’est fait un nom dans la littérature turque mais aussi étrangère. Traduit en plusieurs langues, avec bonheur semble-t-il, l’auteur a récolté plusieurs grands prix littéraires. En 2006, l’Académie suédoise lui décerne le Prix Nobel de littérature, désignant un auteur « qui, à la recherche de l'âme mélancolique de sa ville natale, a trouvé de nouvelles images spirituelles pour le combat et l'entrelacement des cultures ». « Mon nom est rouge » (Gallimard 2001) est le titre donné à la traduction française de son roman « BENIM ADIM KIRMIZI » paru en 1998. Il y est beaucoup question de l’entrelacement des cultures !
Mais qu’on ne s’y trompe pas, « Mon nom est rouge » n’est pas un de ces pesants manuels d’histoire ou une quelconque thèse de doctorat impropre à la lecture. Non, « Mon nom est rouge » est une délicatesse, une mille-feuille, pâtisserie fine et savoureuse qui met tout à la fois en valeur l’intrigue policière et l’intrigue amoureuse qui nouent et dénouent sans cesse ce roman polyphonique. Tour à tour, une quinzaine de personnages vont prendre le rôle du narrateur et nous donner, souvent à travers des contes et légendes, les différents points de vue qui s’affrontent, s’opposent, se confirment mutuellement ou digressent pour embrouiller le lecteur et l’inciter à rester accrocher au fondement même de l’intrigue : ‘Qui est l’assassin ?’
Mais au-delà du roman policier oriental, « Mon nom est rouge » est aussi et surtout l’occasion que Orhan PAMUK se donne pour se et nous poser les questions philosophiques qui gravitent autour des conceptions artistiques de l’Orient et de l’Occident. A qui est l’œuvre ? L’artiste est-il un inventeur de style ou un copieur de Tradition ? Quand un artiste acquière-t-il son statut ? Quand et comment passe-t-il du statut d’apprenti à celui de maître ? Fort des acquis de ses apprentissages auprès des maîtres, a-t-il seulement le droit de signer son œuvre ? Qu’est-ce qui est vraiment de lui et qui l’autorise à revendiquer la paternité d’un savoir-faire qu’il doit à ses prédécesseurs ?
Parallèlement à cette recherche d’identité de l’artiste, l’auteur soulève la question de l’intervention étatique dans la production artistique. L’art ne peut-il être que religieux, à tout le moins moral ? Et que dire des régimes qui briment la créativité des hommes d’Art et emprisonnent ces personnalités au nom d’une religion ?
Plus largement encore, ce roman pose la question du choc des cultures, celle de l’Orient et celle d’Occident. La première est-elle condamnée à poursuivre cet art grandiose de la miniature ou rien n’est représenté pour son côté réaliste, tout n’étant que symbole ? La seconde, celle d’Occident, a-t-elle tort d’intégrer dans son art pictural les techniques de mises en perspectives, mises en relief, en évidence qui donnent davantage à voir ce qui est reflet le plus juste possible de la réalité ? L’une est-elle du côté de la fidélité tandis que l’autre se vautre dans une infidélité blasphématoire ?
Toutes ces questions, Orhan PAMUK les met dans la bouche de ses conteurs orientaux et nous entraîne dans ces mille-feuilles composites qui font rêver et réfléchir. Après bien des digressions, le lecteur saura qui est l’assassin. Mais il réalisera combien le cœur de ce récit est ailleurs… dans le rapport que chacun entretient avec sa civilisation, sa culture et toutes les autres qui lui sont si proches.
Créée
le 19 oct. 2017
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