L'appel au secours d'un vidéaste

"Appel au secours" est la seule formulation qui me traverse l'esprit maintenant que j'ai terminé de lire cet ouvrage en 14 chapitres.

Pour évoquer la forme pendant quelques instants, force est de constater que l'écriture est bâclée : Jonathan Zablot rédige son livre tel qu'il s'exprime à l'oral. Là où la plume nous confère le privilège de pouvoir peser chaque mot et chaque virgule, l'auteur aligne des mots les uns après les autres, nous donnant la sensation de lire la transcription d'un monologue. C'est au point que certains passages deviennent étranges à lire, étant donné qu'ils ne sont pas accompagnés des mimiques, du ton sarcastique, ou de la quelconque mise-en-scène verbale et gestuelle dont ils ont besoin pour prendre leur sens.

Le livre est structuré en 14 chapitres appelés des "niveaux" sensés décrire différents aspects de ce harcèlement, chaque niveau supposé être plus intense que le précédent. Cette structure est malheureusement très confuse étant donné que ces aspects ne sont pas clairement définis, et que certaines anecdotes semblent parfois plus graves et plus intenses que celles des niveaux supérieurs.

En ce qui concerne le texte en lui-même, j'ai été profondément déçu. On ressent qu'il y a un gros vécu derrière ces lignes, et que si plus de temps et d'honnêteté y avaient été consacrés, Jonathan Zablot aurait été capable de rédiger une superbe autobiographie exhaustive autour de son expérience de vidéaste. Cette déception s'est manifestée parce que je n'avais pas encore compris le véritable sens de ce livre, que je vous expliquerai plus bas, et ne le lisais pas de la bonne façon.

La première chose qui m'a étonné lors de ma lecture est qu'il n'y a que très peu de mise en contexte. L'auteur évoque brièvement la création de sa chaîne youtube, sans réellement se présenter. On en a presque l'impression que le livre est écrit pour être lu par des personnes ayant déjà connaissance de l'activité et des histoires de Jonathan Zablot. Comme s'il s'adressait aux personnages secondaires de son histoire, c'est à dire ceux qui le soutiennent, et ses opposants.

Ce livre n'est ni une autobiographie, ni une bonne définition du cyber harcèlement. Rédigé à toute vitesse à la manière d'un coup de sang, on y lit par moment des phrases mélodramatiques telles que "J'espère ne pas vous dégoûter de la vie" lors de l'introduction. On remarque également à plusieurs reprises des qualificatifs négatifs et des jugements de valeurs envers "les haters". On est témoins d'une charge émotionnelle présente chez l'auteur, qui écrit probablement à chaud, créant parfois un décalage entre l'émotion recherchée chez le lecteur, et les faits. La démarche de l'auteur, peut être involontaire, est de se rendre justice à travers ces lignes, et en appelle désespérément à l'empathie du lecteur.

Le problème étant que la recherche de justice de l'auteur n'est pas objective, mais très subjective. Il omet volontairement des anecdotes très connues des internautes et déforme parfois la vérité sur d'autres, afin de rechercher cette position de victime et de martyr, n'hésitant pas à chercher un maximum d'effets de style et de mise-en-scène afin d'insister sur la souffrance ressentie.

On se retrouve face à un plaidoyer très naïf, comme si le lecteur se montrerait assez crédule pour penser qu'un vidéaste quelconque pourrait se retrouver être la cible de plusieurs centaines de personnes gratuitement. Cette volonté à dénoncer les soi-disant mensonges, et à se justifier lors des quelques anecdotes peu élogieuses envers lui que l'auteur ose évoquer, traduisent un fort déséquilibre intérieur.

Au final, que penser de ce texte ? Est-ce un livre-objet psychologique nous montrant la manière délirante à travers laquelle Jonathan Zablot perçoit sa réalité, ou est-ce simplement un manifeste de mauvaise foi ?

La raison pour laquelle je noterai ce livre 5/10 est tout simplement parce qu'il n'est pas possible à noter. Ce n'est pas une oeuvre, mais un appel au secours d'une personne visiblement dépassée par ce qu'elle vit aujourd'hui. Qu'il s'agisse d'une forme de narcissisme ou d'une réelle démence, ce texte est un premier pas vers, je l'espère, une guérison pour Jonathan Zablot, en lui souhaitant de pouvoir prendre du recul sur cet écrit avec le temps.

Jonathan Zablot, je vous souhaite de trouver l'aide thérapeutique dont vous avez besoin. Si à l'avenir vous entreprenez un second livre plus exhaustif et retraçant véritablement votre expérience de vidéaste, dans lequel vous aurez le courage de parler de votre comportement et d'expliquer ce qui c'est réellement passé pour que vous en soyez arrivé-là, sachez que je le lirai avec plaisir.

Bonne continuation à vous, en vous souhaitant bon courage vers votre rédemption.