De l'art de dérouler une histoire avec un paradoxe de taille

Voilà un premier roman dont la forme ne peut laisser indifférent. En effet, Jean Marc Ceci a choisi de rendre hommage au dépouillement et au raffinement de la culture japonaise jusque dans sa mise en page. L'histoire de ce sexagénaire du soleil levant qu'il nous raconte accède finalement par ce procédé à une dimension particulière. De plus, la spécialité de maître Kurogiku, l'origami ou art du pliage du papier pour modeler les formes les plus variées, fait écho à l'art du romancier presque similaire qui consiste à agencer subtilement les fragments d'une histoire (ces pliages à part entière) pour en extraire un objet aussi clair et beau.
Par moments, le personnage et l'écrivain semblent donc se confondre dans leur quête de beauté, de clarté mais aussi de spiritualité. Tandis que Kurogiku façonne son washi pour le pliage, Ceci déroule son histoire avec ce même souci d'application.
Au final, demeure cependant quelques paradoxes dans cette fausse harmonie. Le plus notable étant la relation entre les deux personnages masculins du livre. L'oriental et l'occidental sont si différents dans leurs manières d'appréhender le monde que le lecteur a du mal a concevoir leur "complicité". Pour ma part, je vois Casparo l'horloger comme un personnage qui vient troubler par le plus grand des hasards la solitude de Kurogiku. Ensuite, leur relation sera une joute verbale à laquelle le japonais répondra souvent par le silence car le jeune italien le malmène et le débusque dans les moindres contradictions de sa vie.
J'avais beaucoup d'attente dans cette confrontation entre Casparo et Kurogiku et je suis donc presque déçu car l'histoire, au delà de révéler que l'origami a été déclaré pratique patrimoine de l'humanité en 2014 et que le papier aurait pu faire des ravages pendant la deuxième guerre mondiale, se termine sur du factuel qui a tendance à éluder les beaux mouvements du début du livre. Kurogishu, face aux parts d'ombre de sa vie, n'est pas non plus en paix avec lui-même et c'est terrible de le laisser dans cet état là. Dans Monsieur Origami, le décalage entre la belle forme et le fond assez perturbé et sinistre, pose débat. Soit Ceci a réussi une belle dissonance littéraire, soit il s'est perdu dans cette contradiction.Dilemme.

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le 23 oct. 2016

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