Lemmy est au Metal ce que les BEATLES sont au Rock. Une icône. Je me suis longtemps demandé pourquoi il était autant apprécié et respecté et ceci par un cercle bien plus large que celui des fans de MOTÖRHEAD. La réponse apparaît en filigrane dans cette biographie à quatre mains publié en 2004. Ce mec incarne le Metal. Il incarne en tout cas une certaine vision du Metal que partagent bien des metalleux. On pourrait le résumer en trois affirmations : rester cool, ne pas faire de compromis, profiter de la vie. Et dans ces trois domaines, le leader de MOTÖRHEAD a fait un sans fautes. Il est donc logique qu’un grand nombre d’amateurs de Metal et de Rock s’identifient au personnage, le considérant comme une sorte de porte parole jusqu’au boutiste qui a survécu à tout et n’a jamais renoncé à aucun des plaisirs de la vie. Un peu à la manière de Keith Richards ou Ozzy, mais dans une version beaucoup plus trash et libertine. Car contrairement à ses deux compatriotes, Lemmy ne s’est jamais rangé, il n’a jamais fait de cure de désintox, il n’a jamais été clean et il n’a jamais été marié. Il est mort comme il a vécu en homme libre et s’il reste aujourd’hui encore une icône pour le monde du Metal, c’est justement pour avoir tiré sur la corde jusqu’au dernier souffle.
L’autobiographie du musicien est un livre de structure assez classique. Il raconte chronologiquement la carrière de Lemmy. Son enfance sur une île galloise, son adolescence sur les routes, sa passion précoce pour la musique, carrière qu’il embrasse en grande partie parce qu’elle lui permet de baiser facilement (de son propre aveu, cette perspective a joué pour au moins 60 pourcent dans sa décision). Suivent les années de vache maigre et de couch surfing, puis sa participation au groupe HAWKING pour laquelle il troque la guitare pour la basse. Viennent ensuite les années MOTÖRHEAD qui sont relatées avec un luxe de détails, sans rien omettre des grands moments de son groupe, même s'il reconnaît bien volontiers avoir parfois perdu le fil, la vie d’un groupe de Rock se résumant à une longue suite de journées sur la route, concerts, soirées de fête, interviews et pince-fesse, un train-train duquel il est parfois peu aisé de se remémorer les détails saillants. Pourtant, malgré une consommation effrénée de stupéfiants (un médecin lui refusera une dialyse en lui expliquant que son organisme fonctionne avec une dose létale de drogues mais qu’il risque la mort si on remplace son sang empoisonné par du sang neuf!), Lemmy arrive à recoller les morceaux de sa longue carrière pour en relater les moments déterminants. Il nous gratifie aussi de quelques anecdotes qui valent leur pesant d’or. Des moments de délire total comme cette fin de tournée en Norvège où les roadies ont menotté et déshabillé le promoteur avant de le balancer sur scène et de le recouvrir de fromage fondu devant le public parce qu’il avait mis le groupe en retard à plusieurs reprises pendant la tournée. Des anecdotes savoureuses sur les artistes comme Randy Rhoads : “Mon plus grand souvenir de lui c’est qu’il était nul à chier au jeu Asteroïds et j’ai fini par le battre à ce jeu d’un bout à l’autre de l’Amérique” (MOTÖRHEAD ouvrait pour Ozzy sur la tournée Blizzard of Ozz). Un exemple parmi bien d’autre compte tenu du nombre d’artistes que Lemmy a côtoyé tout au long de sa carrière.
Dans un luxe de concision, le bassiste déroule sa vie, en évitant de tomber dans le panneau de l’auto-apitoiement, du déni ou du regret. Surtout, Lemmy ne s’étant jamais débarrassé de ses addictions, on échappe aux rituels passages consacrés à la désintox qui polluent bien des bios de rockstars (comme celle de Keith Richards, Ozzy Osbourne, Tony Iommi ou Marky Ramone, pour ne citer que les dernières que j’ai lues). Je comprends que la désintoxication puisse marquer un homme qui découvre à quel point il a pu être chiant et mettre sa vie en danger en étant addict, mais ces passages n’en sont pas moins lourdingues, d’autant plus qu’on les retrouve dans beaucoup de biographies et qu’ils fonctionnent toujours sur le même schéma. Ici donc, point de désintox.
La rockstar jette aussi un regard désabusé sur le star system et le music business. Il confie qu’il regrette d’avoir du renoncer à prendre des pots avec ses fans en devenant très célèbre mais il juge durement les fans jusqu'au boutistes qui se prennent pour lui, ainsi que ceux qui ont donné son prénom à leurs enfants, chiens, chats ou perruches. En synthèse, sur ce sujet comme sur tous les autres, Lemmy apparaît comme un mec vraiment humain et apparemment accessible. En lisant son histoire on se prend à s’imaginer le rencontrer un soir dans un pub paumé, le cul vissé devant une machine à sous, lui offrir un verre et discuter musique pendant toute la nuit. On se dit que ce mec ne s’est pas enfermé dans une tour d’ivoire. Qu’il n’a rien du gendre idéal mais tout du rebelle qui a fait en sorte de pouvoir vivre la vie qu’il s’est choisie, avec ses hauts et ses bas, mais sans jamais baisser son froc.
En 300 pages, ce bouquin réussit à faire aimer Lemmy. Ceux qui le connaissent déjà le respecteront encore plus, ceux qui le découvrent regrettent de pas l’avoir connu de son vivant. Même si ce livre est probablement plus délectable en anglais, sa traduction française publiée chez Camion Blanc est réussie même s’il lui manque le sel et le second degré So british que seule une lecture en version originale garantira.